Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/454

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que de très grands progrès ont été réalisés dans notre enseignement secondaire et supérieur, ainsi que dans le développement général de la science. L’enseignement géographique était tombé si bas que la France ne figurait plus que pour mémoire sur les programmes. En 1871, au lendemain même de la commune, M. Jules Simon, alors ministre de l’instruction publique, chargea MM. Himly et Emile Levasseur de procéder à une inspection générale. Personne n’était plus apte à voir le mal, à indiquer le remède. De nouveaux programmes ont été rédigés d’après les indications de leurs rapports, et aujourd’hui l’enseignement géographique est en pleine floraison non-seulement dans nos collèges communaux et nos lycées, mais aussi dans nos facultés de province, à Bordeaux, à Lyon, à Nancy, où des chaires spéciales ont été créées. On ne s’en tient plus comme autrefois à de sèches nomenclatures ; la météorologie, l’agriculture, l’industrie, le commerce, la population, l’administration, en un mot la nature et les forces vitales des sociétés humaines, sont mises à la portée de tous. La cartographie, si longtemps défectueuse, a fait les mêmes progrès[1], et pour s’en convaincre, il suffit de jeter les yeux sur la carte de France du ministère de l’instruction publique, la carte de M. Erhard, et les cent quatorze cartes pour servir à l’intelligence de la France et de ses colonies, par M. Emile Levasseur, que l’on trouve toujours au premier rang des initiateurs du mouvement géographique. La science générale a marché du même pas. La Géographie universelle de M. Elysée Reclus, le Monde terrestre de M. Ch. Vogel, sont de tous points des livres excellens, des miroirs du monde, specula mundi comme disait le moyen âge. La Société de Géographie, qui comptait 1150 membres en 1874, en compte aujourd’hui 1,350, français ou étrangers; elle organise des congrès, des expositions; elle encourage les voyages de découvertes, et c’est de ses rangs que sont sortis MM. Dournaux, Duperré et Joubert, massacrés en 1874, lorsqu’ils cherchaient à établir des relations entre le Soudan et l’Algérie; MM. Largeau et Louis Say, qui renouvellent la même tentative en courant au-devant des mêmes dangers, et M. Roudaire, qui a conçu le projet grandiose de créer une mer intérieure en Afrique au sud des monts Aurès, et de refaire ainsi la mer ancienne qui communiquait avec la Méditerranée par le fond du golfe de Gabès. Nos missionnaires de l’extrême Orient, qui ne le cèdent à personne en courage et en savoir, prennent aussi une part très active

  1. Nous ne pouvons entrer ici dans de longs détails au sujet de la cartographie. Il suffira de dire, pour rendre à chacun ce qui lui est dû, que le dépôt de la guerre a travaillé depuis cinq ans avec une activité qui étonne. La nouvelle carte de France, en 274 numéros, n’attend plus que trois feuilles pour être entièrement terminée, et sa réduction du 80,000 au 223,000e est arrivée à la 33e feuille.