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livre de M. Belot aux personnes qui s’obstinent à croire encore que l’université française est dépassée par le grand état-major des romanistes transrhénans. Nous conviendrons sans peine que, depuis 1789 jusqu’aux dernières années de la restauration, ceux-ci ont été en avance, mais il ne faut pas oublier que les études classiques avaient subi, pendant la première république et l’empire, un temps d’arrêt considérable. Les vieux maîtres avaient disparu, et ceux qui leur succédaient appartenaient à une génération qui ne savait pas le latin et commençait seulement à l’apprendre; ce qui explique comment l’un des écrivains les plus populaires du règne de Louis XVIII, un membre de l’Académie française, s’est permis, entre autres gaîtés étymologiques, de faire descendre agréable de l’adjectif agreabilis, qu’il prenait de la meilleure foi du monde pour un contemporain de Cicéron. Nous n’en sommes plus là, tant s’en faut, et l’École de Rome ajoutera bientôt un nouvel élément de force à tous ceux que nous possédons déjà.


II.

En quittant l’Orient, la Grèce et Rome pour la France, nous entrons dans un immense labyrinthe de volumes, et nous ferons au mieux pour ne pas nous y perdre, en nous occupant d’abord de Paris. Nous ne dirons pas, comme l’ont tant de fois répété ceux qui le flattent pour gagner les suffrages de ses électeurs, qu’il est le cerveau de la France, — ce serait décapiter la province; — nous dirons seulement qu’en vertu de son titre de capitale il se réserve le monopole des travaux qui embrassent l’ensemble de notre histoire, et de ceux qui ne peuvent s’exécuter qu’avec le concours du gouvernement ou des corporations savantes, comme l’Académie des Inscriptions, et l’indispensable secours des bibliothèques et des archives.

Au premier rang des publications faites avec le concours du gouvernement, il faut placer la collection des Documens inédits. Elle s’est accrue depuis 1871 de la correspondance de Mazarin, éditée par M. Chéruel, l’un de nos érudits qui connaissent le mieux le XVIIe siècle, — des Inscriptions de la France, depuis le Ve siècle jusqu’au XVIIIe, par M. de Guilhermy, travail d’une érudition solide, où chaque pièce est accompagnée d’une notice interprétative, — du Recueil des chartes de l’abbaye de Cluny, par M. Bruel, dont le premier volume n’est que la moindre partie d’un répertoire de pièces des IXe et Xe siècles, unique en Europe[1], — du tome IV des Monumens de l’histoire du tiers-état, commencé sous la direction de

  1. Le volume de Cluny s’ouvre par un rescrit de Charlemagne daté de 802, et sa termine par une donation de 954. Les chartes sont au nombre de 882.