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Ceux-ci dominèrent par leur influence dans les municipes les citoyens de la seconde et de la troisième classe. Leurs voix devinrent prépondérantes, car dans les assemblées du Champ de Mars on comptait trente et une tribus rustiques et seulement quatre tribus urbaines. Le patriciat ne disposa plus que de quatre-vingt-neuf voix sur trois cent soixante-douze. La majorité fut déplacée; la souveraineté passa aux classes moyennes, qui se firent attribuer la levée des impôts et les judicatures, et se trouvèrent ainsi maîtresses d’une partie des forces de la république. Rome et l’enceinte sacrée du Pomœrium étaient envahis par l’Italie, et le patriciat n’avait plus pour lui que la majesté des souvenirs.

La révolution politique de 241 eut pour auxiliaire une révolution économique au sujet de laquelle M. Belot donne des éclaircissemens précis et tout à fait nouveaux. L’extrême abondance du numéraire et la nouvelle taille des monnaies amenèrent les censeurs à substituer au cens équestre, qui était de 100,000 as de cuivre d’une livre romaine, le cens d’un million d’as de deux onces équivalant aux 400,000 sesterces. Le cens des autres classes, exprimé en as nouveaux ou sextantaires, fut aussi multiplié par 10. Les Allemands ont méconnu ce fait essentiel, ils ont admis des chiffres dix fois trop faibles, inconciliables avec les progrès de la fortune publique ou privée. Or de la hiérarchie des fortunes, dont le tableau était dressé par les censeurs, dépendaient toutes les distinctions relatives non-seulement au droit politique, mais au droit civil, aux grades et à l’avancement dans l’armée, aux magistratures. Briser ou fausser ce tableau, c’est s’exposer à une foule d’erreurs de détail sur l’histoire intérieure de Rome. Les Allemands n’y ont pas manqué; M. Belot le prouve par des exemples et des textes irréfutables, et il montre comment l’abaissement de l’aristocratie romaine fut parallèle à l’abaissement de la valeur relative de l’argent. Sous les empereurs, la chevalerie equi publici n’était plus qu’une institution de parade, un titre purement honorifique conféré par le souverain, comme notre noblesse française de collation, et la chevalerie equi privati une sorte de haute bourgeoisie qui se contentait, — toutes les bourgeoisies se ressemblent, — d’occuper des emplois publics, surtout dans les finances. Elles s’éteignirent toutes deux au IVe siècle, sous Dioclétien et Constantin, qui constituèrent une nouvelle noblesse, et de la savante excursion qu’il a faite à travers l’histoire du plus grand peuple de l’antiquité, M. Belot tire cette conclusion, que ce peuple, sous la république, a dû sa grandeur aux tribuns de la plèbe qui ont dirigé la lutte des tribus rustiques contre l’aristocratie urbaine du patriciat, aux chevaliers equi privati sortis des aristocraties municipales, et aux classes moyennes de toutes les villes de l’Italie. Nous recommandons l’excellent