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IV.

La Suède, comme le Danemark, a compris la nécessité de borner ses dépenses au strict nécessaire, en vue non de jouer un rôle politique et d’affirmer l’existence de sa marine sur toute l’étendue des mers, mais de défendre son indépendance. Qui la menace, dira-t-on? Personne peut-être. Mais, à tort ou à raison, l’on se défie dans ce pays de la puissance contre laquelle on a lutté si longtemps autrefois, et qui, ayant annexé la Finlande, pourrait peut-être un jour s’apercevoir que la Suède et la Norvège sont à sa convenance. C’est le malheur des états dont l’étendue et la force sont prépondérantes d’être suspects d’une ambition illégitime, par cela seul qu’ils sont en état de la satisfaire et qu’ils ont à Berlin l’exemple d’un gouvernement sans scrupule.

Réduite à ces proportions sages, la marine suédoise se met en mesure de remplir sa tâche patriotique. Plusieurs fois les résolutions à prendre dans ce dessein ont été étudiées dans des commissions spéciales. Des rapports ont été soumis aux représentans du pays ; des ressources ont été mises à la disposition du gouvernement, et celui-ci s’est mis à l’œuvre, quoique timidement. L’assurance manque aux administrations économes. Nous en avons dit les raisons.

Toutefois la base de toute organisation était tracée d’une manière certaine par la configuration même du pays, par ses conditions géographiques. Il ne pouvait y avoir d’incertitude sur le but à poursuivre, quoiqu’il pût y avoir divergence sur les moyens à employer pour l’atteindre. Nous avons déjà dit que les côtes de la Scandinavie sont très découpées et forment des archipels où s’abritent quelques-unes des principales villes du pays. La plupart des canaux qui circulent dans ces archipels sont interdits aux grands bâtimens, trop encombrans pour s’y mouvoir. D’un autre côté, des lacs très étendus, de nombreux cours d’eau, forment à l’intérieur une chaîne de navigation qu’on peut utiliser pour les transports prompts et économiques de troupes et d’artillerie d’un point à un autre : précieuse ressource dans un pays peu riche, peu populeux, dont l’armée est restreinte, la flotte modeste, les arsenaux médiocres. On y peut en effet suppléer au nombre de soldats par leur mobilité, et ce n’est pas un petit avantage de se trouver en mesure de les transporter rapidement là où le danger les appellerait. Dans cette intention, la Suède avait construit autrefois une collection de canots à rames destinés au service de guerre. Elle a reconnu que ce mode de navigation lent et suranné n’était pas à la hauteur des moyens militaires