Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/422

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

MM. Napier, sur les plans du malheureux capitaine Coles, une batterie flottante cuirassée destinée à la défense des côtes, et il l’avait nommée le Rolf-Krake. Ce navire, appelé à croiser entre les îles du Danemark, près des côtes, dans des eaux peu profondes, n’avait qu’un très faible tirant d’eau. Il était très bas et ne dépassait sa ligne de flottaison que d’un mètre et demi. Quand il fallait combattre, on pouvait l’abaisser encore par l’introduction dans la cale d’eau qu’on chassait ensuite à volonté. Dans cette situation, son pont rasait l’eau, et sa coque presque tout entière était à l’abri des boulets. Deux coupoles cylindriques ou tourelles s’élevaient sur le pont à la hauteur de 1m, 37; elles étaient mobiles et portaient chacune 2 canons de gros calibre.

L’invasion prussienne au Slesvig étant complète, les troupes da- noises, obligées d’évacuer les lignes de Düppel, traversèrent le Petit-Belt et se retirèrent. Les Prussiens les suivirent et disposèrent leurs batteries à Alsen-Sund. Le Rolf-Krake s’avança bravement pour les attaquer. Il ne réussit point à les déloger, mais son équipage fit preuve d’une grande énergie, et le capitaine eut du bonheur, ce qui est synonyme d’habileté. Il eut affaire à trois batteries d’où furent dirigés sur son navire des feux convergens. Cette fois l’artillerie prussienne se trouvant sur son terrain n’eut garde de manquer le but. Le Rolf-Krake reçut 150 boulets; il fut criblé, mais non point entamé, et il ne se retira qu’après avoir échangé pendant une heure et demie avec l’ennemi une canonnade des mieux nourries. Cette expérience suffisait pour indiquer au Danemark la voie où il devait persister. À cette époque, voici quelle était la composition de sa flotte. On y comptait un certain nombre de bâtimens à voiles qu’il est inutile d’énumérer, quoique dans le nombre il y eût des vaisseaux de ligne. L’escadre à vapeur et à hélice mixte, la seule qui eût encore une certaine valeur, comprenait 6 frégates de 40 à 50 canons, 3 corvettes portant 30 canons, des goélettes, des canonnières et un ancien vaisseau rasé qu’on s’occupait à transformer en corvette cuirassée. Il s’y trouvait enfin la batterie flottante le Rolf-Krake, dont nous venons de rapporter les brillans débuts.

Le gouvernement en fit construire immédiatement deux autres, le Lindormen et le Goum. Ces cuirassés furent mis à l’eau en 1868 et 1869. L’année suivante, au mois de novembre, le Danemark mit sur chantier le plus fort de ses bâtimens blindés : l’Odin, qui fut construit à Nyholm, près de Copenhague. Ce navire fut achevé en 1873. Il est protégé par des plaques de 0m, 20; il est également cuirassé à l’avant et à l’arrière; il a deux tourelles armées chacune de deux canons de 19 tonnes, et enfin il est pourvu d’un bélier en acier. Les navires que nous venons de nommer sont parfaitement propres au