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les chapitres 17 et 64, dont la rédaction primitive, augmentée et dénaturée parfois par les gloses postérieures, remonte à l’antiquité la plus reculée et touche aux plus graves problèmes religieux. Il suffit de citer quelques-uns des premiers versets du chapitre 17 pour montrer quelle était la hauteur des conceptions égyptiennes en matière de cosmogonie et de théodicée.


« Je suis Atoum (l’inaccessible), qui a fait le ciel, qui a créé tous les êtres; celui qui est apparu dans l’abîme céleste. Je suis Râ à son lever dans le commencement, celui qui gouverne ce qu’il a fait. — Je suis le grand Dieu qui s’engendre lui-même, dans l’eau qui est l’abîme, père des dieux. — Je suis hier et je connais demain. — Je suis la loi de l’existence des êtres. — Je suis du monde, je viens dans mon pays. — Il efface les péchés, il détruit les souillures... »


Si l’on rapproche ces idées fondamentales du dogme égyptien des passages de l’hymne au soleil que j’ai cités, si on les compare ensuite aux premières paroles de la Genèse et à certaines expressions johanniques, on reconnaîtra sans peine qu’il faut assigner un rôle capital à l’ancienne l:!lgypte dans l’histoire religieuse. Malheureusement l’obscurité des documens hiéroglyphiques et leur révélation tardive ont permis à bien des théories fausses de s’établir. Jusqu’à nos jours, on avait jugé les croyances égyptiennes d’après les mythes défigurés des bas temps et on avait enveloppé dans un mépris égal les diverses époques et les diverses classes d’une société qui adorait, disait-on, des ibis, des chats, des ichneumons, des crocodiles. On sait aujourd’hui qu’il faut voir, dans cette multitude de statuettes à faces d’animaux qui emplissent nos musées, des symboles de la divinité considérée dans ses différens attributs, symboles accrus avec les âges, et qui finirent par dévier la conception primitive; les initiés ne leur gardaient pourtant qu’une valeur figurative, tandis que la masse, suivant la pente naturelle aux esprits peu éclairés dans toute religion, donnait une forme concrète à ces symboles et cherchait sous les figures mystiques des objets réels d’adoration. Il suffit, pour s’en convaincre, de suivre attentivement la série des stèles funéraires disposées dans le grand vestibule du musée de Boulaq, depuis les premières dynasties jusqu’aux dernières. Nulle étude n’est plus instructive; on voit graduellement, en faisant le tour de cette salle, les mythes naître, grandir, se matérialiser et tout envahir. À l’origine, le défunt est assis, calme et assuré, au milieu de ses serviteurs, de sa famille; aucune représentation religieuse, aucune anxiété d’outre-tombe, la certitude de revivre d’une vie tranquille et sereine. Peu à peu les