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comme le Norton’s Virginia et le cynthiana, qui joignent à une coloration trois ou quatre fois plus intense que les roussillon un bouquet particulier, rappelant avec moins de finesse les vins de Bourgogne. À cette liste, laissée à dessein incomplète pour éviter le trop de détails, je voudrais joindre pourtant le rulander, ainsi nommé par la ressemblance de ses raisins avec un cépage des bords du Rhin. Ces raisins ont un goût très parfumé, qui se rapproche du muscat et se retrouve dans leur vin à l’état de bouquet très fui. Ajoutons que 12 pour 100 d’alcool sont le titre minimum de ces vins et que plusieurs, comme le jacquez, en atteignent aisément de 14 à 15 pour 100. Le cunningham, qui rentre dans le même groupe, donne un vin léger de couleur, assez délicat, mais qu’on estime en général inférieur à l’herbemont. Du reste il serait peut-être imprudent de porter un jugement trop arrêté sur des produits encore rares en Europe et dont les qualités ou les défauts ne pourront guère être appréciés que peu à peu, à mesure que leur culture plus étendue en rendra l’étude plus facile et plus sûre. L’essentiel est que des négocians expérimentés, des œnologues habiles aient pu déjà, à la suite des Américains, qu’on pourrait croire trop intéressés dans la question, reconnaître la valeur très sérieuse de ces vins et les proclamer bien supérieurs en qualité à la moyenne des vins ordinaires du midi.

Deux questions, j’allais dire deux objections, se présentent néanmoins à l’esprit pour mettre en doute les avantages des vignes américaines. D’abord la quantité de leur produit approchera-t-elle de la moyenne des produits de nos vignes de grande culture? En second lieu, ne devra-t-on pas les soumettre à la taille longue, avec échafaudages d’échalas, c’est-à-dire avec une augmentation notable dans les frais de production, sans compter que nos vignerons du Midi, habitués à la taille courte sur souche basse, auraient bien de la peine à s’approprier la méthode plus difficile de la taille longue? Sur le premier point, la réponse doit varier suivant les termes de la comparaison établie. On peut dire en bloc que la production des œstivalis, avec leurs grains petits, leur peau épaisse, leurs pépins relativement très gros, ne peut être que très inférieure au classique aramon des plaines fertiles du Languedoc; mais la disproportion s’atténue, si l’on compare le jacquez ou l’herbemont à l’espar, au mourastel et même à la carignanc. Le problème est d’ailleurs trop complexe et trop nouveau pour être aussi sommairement résolu. Il l’est tout au moins aux yeux des viticulteurs du Midi, dans ce sens que les œstivalis en général, et l’herbemont, le jacquez en particulier, leur paraissent devoir rémunérer très suffisamment les peines des cultivateurs assez courageux pour oser