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les cépages américains. Seulement tout n’est pas dit alors sur le degré de cette résistance chez tel ou tel en particulier et sur le choix à faire entre ces variétés, suivant les conditions de culture qu’on peut leur offrir, ou suivant l’usage auquel on les destine.

Une première distinction à faire à cet égard, c’est de savoir si les variétés en question doivent être cultivées comme sujets à greffer en vignes d’Europe ou cultivées pour elles-mêmes, c’est-à-dire pour leur vin. Dans le premier cas, la vigueur de végétation est la seule qualité requise, et des vignes sauvages ou peu fertiles, ou dont le fruit est de qualité inférieure, peuvent être recherchées de préférence à des variétés plus estimées, mais plus délicates. Le vitis cordifolia sauvage sera peut-être à l’avenir un des porte-greffes les plus utiles, parce qu’il est à la fois très vigoureux, très résistant et très facile à la reprise comme à la greffe : le vitis Solonis, que M. Millardet, délégué de l’Académie, a baptisé du nom français de La Sonys, et qui rentre comme forme singulière dans le groupe des cordifolia, présente aussi, comme l’a dit M. Laliman, une résistance des plus remarquables : il peut servir de porte-greffes, tandis que ses grapillons maigres et âpres en feraient un raisin détestable. Le taylor, dont les raisins sont excellens, mais trop rares et trop petits pour qu’on leur demande leur vin blanc délicat et parfumé, est un des meilleurs sujets à greffer, à cause de sa force de végétation, de sa facile reprise par boutures et de sa parfaite résistance au phylloxéra. Le clinton lui-même, malgré quelques échecs partiels tenant au hâle ou à la nature argileuse et froide du terrain, peut nourrir abondamment des greffes de vignes d’Europe, et donner à ces greffes une telle force de végétation, que j’en ai vu, sur des clinton de trois ans, produire en une saison dix ou douze jets d’un mètre à un mètre et demi de long. Il va sans dire que, si la vigueur du sujet influe directement sur le développement de la greffe, celle-ci ne se ressent nullement du goût particulier que le sujet aurait dans ses propres raisins ; le sujet ne donne jamais à la greffe qu’une sève brute que la greffe élabore à sa façon, en conservant, sans altération aucune, ses qualités naturelles : ainsi, le goût foxé des labrusca ne passera jamais au moindre degré dans les fruits des cépages insérés sur ces nourrices étrangères.

Si le groupe des cordifolia doit surtout fournir des sujets aux vignes françaises, les œstivalis peuvent, la plupart du moins, s’adapter à la culture directe et donner à l’Europe des vins remarquables à divers titres, les uns, comme l’herbemont, pour la finesse et le brillant de leur couleur, d’autres, comme le jacquez, pour la force alcoolique et surtout pour l’intensité de coloration qui doivent en faire des vins de coupage de premier ordre; d’autres enfin.