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au dessous du sol, sur les racines de la vigne. Le premier cas s’est présenté à Montpellier, dans l’automne de 1874, à M. Balbiani lui-même : quant à l’œuf d’hiver souterrain, M. Victor Fatio en a vu un, à 4 ou 5 centimètres de profondeur, le 6 mai 1876, dans un vase où l’automne précédent il avait placé sous cloche des nymphes de phylloxéra. ï)e ce fait, rapproché des précédens, M. Fatio conclut que, dans des circonstances données, le cycle entier des métamorphoses de l’insecte pourrait bien se passer quelquefois au dessous du sol, sans intervention de la formée ailée.

Sans trop insister sur cette dernière considération, l’essentiel, au point de vue pratique, c’est que la destruction même totale de l’œuf d’hiver, utile sans doute dans les régions où sa présence est bien constatée, laisse néanmoins presque entière la difficulté principale du problème, savoir la lutte contre les innombrables légions de l’ennemi souterrain. Mais cette lutte elle-même, si énergique, si constante qu’on la suppose, n’est-elle pas au-dessus des forces et surtout des ressources pécuniaires des pays où le vin ne vaut que par son abondance ? Ce que la Bourgogne, le Bordelais, la Champagne, pourraient faire pour leurs vins de luxe, le Languedoc peut-il le tenter pour ses vins de plaine ou pour les produits plus fins mais très réduits de ses coteaux ? Au lieu d’aborder de front cette épreuve, où la ruine pourrait être au bout des meilleurs efforts, ne vaut-il pas mieux prendre une voie indirecte et demander aux vignes américaines de devenir pour les nôtres ou des nourrices robustes, ou même des remplaçantes qu’on aurait tort de condamner sans les connaître ? Mais avant de s’adresser à des étrangères, ne doit-on pas voir si parmi les vignes d’Europe il ne s’en trouverait pas d’assez robustes pour remplir le rôle de ces auxiliaires exotiques ? Et s’il n’en existe pas de telles, ne pourrait-on pas en créer par la voie de sélection entre les plants de semis ?

Cette idée de sélection est au premier abord séduisante : M. Forel, naturaliste et professeur à Lausanne, s’en est fait le propagateur ; mais, en la supposant applicable, elle offre le grave défaut de renvoyer à de lointains futurs contingens une solution qu’il nous faudrait immédiate. Quant aux variétés si nombreuses de notre vigne indo-européenne, sans doute il y a des degrés divers dans leur résistance au phylloxéra, ou plutôt il y a des degrés dans leur faiblesse, car le plus fort en apparence, le colombaud de Provence, finit lui-même par succomber : au contraire, une des vignes américaines les plus sensibles au phylloxéra, l’isabelle, si connue en Europe, se montre encore pleine d’une vigueur relative au milieu des vignes françaises mortes ou mourantes. Donc, du moment qu’on entre dans cette voie de reconstitution des vignobles au moyen de cépages résistans, à quoi bon demander à l’Europe un secours qu’elle