voie de parthénogenèse (procréation virginale), c’est-à-dire que des individus, tous femelles, y pondent, sans le concours d’aucun mâle, des œufs fertiles bien que non fécondés. Cinq ou six générations s’y succèdent dans le cours d’une année, et les observations de M. Schrader, de Bordeaux, et de M. J. Lichtenstein ont montré que cette multiplication agame peut se continuer au moins trois années de suite, la dernière génération de l’automne, engourdie pendant l’hiver, se réveillant chaque printemps pour donner naissance à la première génération de l’été. Cependant dès les mois de juin et de juillet, et parfois jusqu’en novembre, apparaissent entre les pondeuses aptères des larves à corselet plus étranglé, passant bientôt à l’état de nymphes, et finalement transformées en élégans petits moucherons à quatre ailes transparentes. C’est la forme ailée du phylloxéra. Des œufs que chaque moucheron dépose sous les feuilles ou sur les bourgeons des pampres, sortent bientôt des êtres très-singuliers, plus petits encore que les jeunes aptères des racines, et qui, dépourvus d’ailes, de suçoir et même d’estomac, représentent de purs appareils de reproduction : ceux-là sont en effet mâles et femelles et constituent la forme sexuée du phylloxéra. La femelle fécondée dépose sous l’écorce des ceps de vigne l’œuf unique qui remplissait son abdomen et meurt à côté du germe qui doit perpétuer sa race. Très-différent des œufs non fécondés de l’insecte aptère, l’œuf unique pondu sous l’écorce n’y éclora qu’au printemps suivant. C’est pour cela qu’on l’appelle œuf d’hiver. Au mois d’avril, sous le climat de Bordeaux, les jeunes phylloxéras, fraîchement sortis des œufs d’hiver, gagnent les feuilles naissantes des vignes, et tantôt y développent par leur piqûre une galle vésiculaire qui forme cellule autour d’eux, tantôt trouvent la feuille réfractaire à leur piqûre, et, renonçant à la vie en plein air, rebroussent chemin le long des sarmens et du cep pour gagner, on suppose, les racines et faire souche de descendans à vie souterraine. C’est ce que feront aussi tôt ou tard, mais en tout cas avant l’automne, les descendans des phylloxéras des galles, dont plusieurs générations se succèdent sur le même pampre, mais qui, pour des raisons inconnues, peuvent émigrer des feuilles vers les racines. En tout cas, à quelque moment de l’année que se fasse cette migration, on admet que les phylloxéras des galles se transforment en phylloxéras des racines, et que ceux-ci sortant du sol à l’état ailé deviennent à leur tour par les sexués et l’œuf d’hiver des phylloxéras des galles. Ainsi se formerait le cycle complet de la vie multiple de l’espèce, en y comprenant toutes ses phases d’évoluiion et toutes ses adaptations aux circonstances de nourriture et de milieu. Seulement tout le monde n’est pas d’accord sur la durée de chacune de ces phases et sur la possibilité qu’il y aurait de voir
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