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Le type de ces produits volatils, dont les vapeurs doivent détruire le phylloxéra souterrain, n’est autre que le sulfure de carbone. M. le baron Thénard le premier, en juillet 1869, eut l’idée de l’essayer sur des vignes phylloxérées de Bordeaux. L’action trop énergique du liquide tua les ceps en expérience, ce qui fit abandonner cette piste heureuse. M. Monestier, de Montpellier, la reprit en 1873, et eut d’abord une telle réussite que le problème sembla résolu; mais bientôt des expériences nouvelles, entreprises dans des sols variés, sous le contrôle de membres de la Société d’agriculture de l’Hérault, donnèrent la triste conviction que l’effet toxique reste souvent imparfait, que de nombreux insectes échappent à cette action. Bien des modes d’application sont venus depuis trois ans varier et perfectionner l’usage de ce liquide volatil. Flacons renversés de Fouque, cubes Rohart, aspirateur et insufflateur de MM. Crolas et Jobart, tubes souterrains de Monestier, pals-distributeurs de M. Gueyraud et de M. Alliés, projecteur souterrain de M. Rousselier, appareils ingénieux, doses variées, fractionnées et répétées, tout cela constitue un arsenal d’attaque dont les bons effets sont incontestables, mais qui laisse encore la tâche incomplète, car avec un ennemi pareil, tant qu’il reste des survivans, le retour offensif est probable et la victoire incertaine. Or, quels que soient les airs de triomphe que l’on joue de bonne foi sur l’anéantissement de l’ennemi, nous savons trop combien il est facile d’en méconnaître la présence pour nous fier sans réserve à cette prétendue disparition. On le trouvera dans bien des cas, quand l’examen des racines aura lieu dans des terrains tant soit peu compactes, à travers lesquels la diffusion des gaz rencontre des difficultés inattendues. On l’a trouvé à l’école d’agriculture de Montpellier sur les vignes traitées par M. Crolas, et malgré mon désir d’accepter comme absolument fondées les expériences de l’association viticole de Libourne dans le succès du sulfure de carbone et surtout du sulfure coaltaré de M. Falières, il semble prudent d’attendre, pour chanter victoire, le résultat des essais dont cette savante commission vient de se tracer le programme.

En conservant un reste de scepticisme sur la valeur absolue et surtout économique du traitement au sulfure de carbone, mon intention n’est pas d’en nier l’efficacité relative. A cet égard, une lettre de mon ami M. Mazel me confirme les résultats très satisfaisans obtenus dans le département des Bouches-du-Rhône soit par M. Alliés, soit par M. le professeur Marion; mais nous en avons tant entrevu de ces triomphes changés plus tard en défaites, qu’on nous pardonnera de n’accueillir celui-là que sous bénéfice d’une confirmation ultérieure. Il ne faut pas oublier d’ailleurs que le sulfure