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se pressent et se succèdent avec une effrayante rapidité. il faudrait se garder pourtant de baser sur des données aussi générales et encore si mal définies un système absolu de conduite à l’égard d’une invasion circonscrite. Comme effet moral sur l’esprit des populations, il y aura toujours avantage à tenter l’attaque des corps d’avant-garde. C’est ce qu’on avait fait à Montpellier, ce qu’on a fait en Suisse, ce qu’on vient de faire près d’Orléans. Qu’importent en ces cas quelques milliers de francs dépensés par des associations locales ou par un conseil général en vue de l’utilité publique? Mais ce qu’on peut approuver tant que le terrain de la lutte est limité, deviendrait folie contre le flot débordant de l’invasion généralisée. La sagesse alors est de ne plus vouloir l’impossible, de bannir virilement les illusions décevantes et, ne pouvant anéantir l’ennemi, de chercher les moyens de vivre avec lui, malgré lui, de le décimer, de le contenir, de lui rendre la vie dure et précaire, et de donner à sa victime la force de lui résister. Ceci nous conduit naturellement à la troisième partie de cette étude.


III. — L’ENTRETIEN DE LA VIGNE ET DE SES RECOLTES MALGRÉ LE PHYLLOXÉRA.

C’est dans ces termes modestes que se pose, dans la phase d’invasion totale, la question de la lutte incessante contre un mal désormais inévitable. Des expériences cruelles et répétées ont sevré les plus confians de l’espoir des guérisons complètes et définitives. Mais avant d’en arriver aux palliatifs efficaces, il nous resterait encore bien des illusions à dissiper, bien des préjugés à combattre, bien des systèmes à refouler dans la région des chimères. Telles de ces erreurs sont trop grossières pour qu’on s’attarde à les réfuter; il en est d’autres, au contraire, qui, pareilles à des mouches importunes, remplissent de leurs bourdonnemens les oreilles du public, et qui, chassées sur un point, reviennent par d’autres avec une ténacité vraiment agaçante. Quelques-unes séduisent même les esprits soi-disant pratiques par une apparence de logique et de vérité. Ce sont les plus dangereuses et les seules qui méritent l’honneur et la peine d’une réfutation en règle.

Croirait-on par exemple que l’idée du phylloxéra effet, c’est-à-dire la présence de l’insecte attribuée à l’affaiblissement préalable de la vigne, compte encore des partisans? On a beau montrer le mal absolument et fatalement consécutif à l’arrivée du parasite, on a beau constater le goût des insectes pour les radicelles saines, l’altération produite par ses piqûres dans le tissu des racines, il se trouve encore des esprits subtils qui vont chercher dans le tempérament