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exemple, les vignes américaines d’où l’infection est partie végètent depuis quinze ans au moins dans une pépinière, et c’est à peine si les taches phylloxériques ont apparu sur une étendue de quelques hectares : à Bollwiller, les cépages de pépinière venus de New-York en 1863 ont apporté l’insecte sur leurs racines, et pourtant l’invasion n’en est encore dans les environs qu’à la période de taches disséminées. A Stuttgart, M. le professeur Nördlinger, guidé par le calcul ingénieux du nombre de couches ligneuses, fait remonter à douze ou treize ans l’âge des vignes américaines phylloxérées et ne signale aucune infection des vignobles voisins. Que ces faits tiennent en partie à des circonstances locales, telles que l’isolement des ceps primitivement infectés, l’interposition de bois, de prairies, de landes incultes entre ces plants et les vignobles de la région, c’est possible, mais ce n’est nullement établi avec précision. A tout prendre, la chose veut être étudiée de près, en pesant toutes les conditions du problème et ne hasardant d’explication arrêtée qu’après des expériences plus longues et plus suivies.

Moins heureuse, en tout cas sous le rapport de l’activité du mal, est la région occidentale de la France, notamment le Bordelais et les Charentes. Le Médoc seul, aujourd’hui pris sur quelques points, a semblé devoir longtemps échapper à l’invasion, tandis que la traînée fatale partie de Floirac, aux portes mêmes de Bordeaux, vers 1868, s’est étendue vers l’ouest, dans l’entre-deux mers, avec une marche assez lente de 1868 à 1872, mais singulièrement accélérée de cette dernière date à 1876. Elle couvre maintenant tout le département du Lot-et-Garonne, ainsi qu’une part notable de la Dordogne. Quant aux Charentes, le mal n’y a été formellement découvert que dans l’automne de 1873, bien que des renseignemens rétrospectifs en aient pu faire reculer la trace première jusque vers 1870. Confiné en 1873 aux environs de Cognac, il a débordé en trois ans en vastes nappes continues ou en plaques partielles sur l’étendue entière de la région charentaise. La nature argilo-calcaire des terres maigres où végète la folle blanche, la taille courte usitée dans la région, sont peut-être des conditions très favorables à la marche rapide de l’invasion, mais il faut y joindre vraisemblablement la douceur relative des hivers et l’ensemble de ces circonstances climatériques qui font rencontrer jusqu’à l’embouchure de la Loire beaucoup de plantes méditerranéennes exclues des contrées plus centrales de la France. La conclusion des faits qui précèdent est que la lutte par étouffement des premiers foyers, possible peut-être dans les pays où la longueur des hivers enferme dans un cercle étroit la vie active de l’insecte, devient plus que problématique dans les régions chaudes, où les générations d’aptères