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ceps y eussent été observés par les paysans dès 1868, c’est-à-dire l’année même de la découverte du phylloxéra en Provence. Ces dates sont bonnes à citer, car elles montrent d’une part le peu de rapidité de la marche de la maladie en Auvergne, d’autre part son extension vraiment foudroyante dans les régions chaudes de la vallée du Rhône, où le mistral doit agir comme un puissant disséminateur de l’insecte. Une première application de sulfocarbonate de potassium à forte dose avait détruit en 1875 la presque totalité des pucerons. Répété pendant l’été de 1876 après une forte fumure printanière d’un engrais riche en phosphates, azote et potasse, mélangé de goudron de houille, ce traitement héroïque a supprimé presque entièrement le phylloxéra, en rendant aux ceps malades une vigueur relative et ranimant dans une mesure encore restreinte leur aptitude à nourrir des raisins. Ce n’est pourtant là qu’un demi-triomphe, car dans l’année actuelle on a dû traiter deux nouvelles taches observées à 300 mètres des anciennes et l’on a fait la triste découverte qu’une parcelle de ces dernières, déjà traitée l’an dernier mais oubliée cette année, montre encore des pucerons en assez grand nombre. Malgré des facilités extraordinaires pour l’emploi de l’eau comme véhicule des insecticides, le traitement d’un hectare n’a pas coûté moins de 900 francs, somme très minime sans doute s’il s’agit d’une dépense faite à frais communs par un comité local, en vue d’éteindre un germe d’infection pour tout un district, somme énorme au contraire et vraiment inabordable s’il était question d’étendues considérables, comme c’est le cas dans la phase du mal généralisé. Félicitons pourtant le comité de l’Auvergne, et particulièrement M. Truchot, du succès ainsi obtenu à Mezel. On devra compter pourtant avec les colonies latentes qui poursuivent perfidement leur œuvre souterraine de destruction.

Moins heureux ont été du reste, sur d’autres points d’attaque isolés, les essais de suppression des taches phylloxériques : échec complet à Klosterneuburg, dans la pépinière de vignes, qu’on a détruite à grands frais au sulfure de carbone à haute dose; insuccès en Corse, où les moyens employés n’ont été ni très énergiques ni assez généraux; insuccès à Villié-Morgon, où le sulfocarbonate de potassium appliqué par un savant délégué de l’académie, M. le professeur Duclaux, n’a pas empêché la diffusion de l’insecte de se faire autour des centres d’attaque ; insuccès non moins notable à Mancey près de Dijon, où rien n’a manqué, ni l’habileté des opérateurs, ni le luxe des remèdes, notamment du sulfocarbonate de potassium employé par ses partisans les plus décidés. Et pourtant, si les vignes en expérience ont conservé, grâce à la puissance fertilisante