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comme une victime expiatoire, pour attirer à lui le venin dont la vigne phylloxérée est atteinte; on aurait à rappeler l’arrosage des ceps malades avec du vin blanc ou bien avec une tisane émolliente dont la mauve est l’ingrédient principal. Heureusement le ridicule suffit pour reléguer ces aberrations dans les oubliettes où l’Académie des Sciences et la commission du phylloxéra de l’Hérault s’empressent de les jeter ; mais à côté de ces excentricités peu dangereuses, il y a place pour les opinions non moins fausses qui se font jour dans la presse et, comme des herbes parasites, pullulent avec une fécondité désespérante dans le champ où l’observation fait surgir à grand’peine quelques vérités. On verra plus loin à quels préjugés en particulier s’appliquent ces reproches dont l’expression un peu vive a besoin d’être appuyée sur des preuves. Pour le moment, je voudrais entrer au cœur du sujet en le considérant sous trois points de vue, suivant l’état d’une région donnée par rapport à l’infection phylloxérique. Premier cas : le pays est encore indemne et loin des foyers d’infection; deuxième cas : l’invasion en est encore à ses débuts, à la période dite des taches circonscrites; troisième cas : l’envahissement est complet, les taches primitives sont devenues de vastes surfaces ; en un mot, on en est à l’infection généralisée. À ces trois phases diverses du mal, simple menace, première attaque, prise complète de possession, répondent naturellement trois systèmes de défense. 1° Comment se soustraire à l’invasion? 2° Comment supprimer les premiers corps d’attaque ou tout au moins en retarder l’action destructive? 3° Comment vivre avec l’ennemi, en le décimant par les moyens insecticides, en fortifiant la vigne contre ses atteintes, enfin d’une manière indirecte en substituant aux cépages voués à la mort des cépages assez robustes pour braver à des degrés divers les piqûres d’un insatiable suceur? Telles sont, en gros, les questions auxquelles il s’agit de répondre. On essaiera de le faire sans passion et sans parti-pris, laissant au temps et à l’expérience le soin de décider en dernier ressort tout ce qui reste de fatalement incertain en une étude complexe dont les données varient suivant le climat, le sol, les conditions économiques locales, et plus encore suivant la diversité naturelle des esprits appelés par intérêt ou par goût à s’occuper de ces difficiles problèmes,


I. — LA DÉFENSE CONTRE L’INVASION.

Savoir d’où peut venir l’ennemi est le premier soin d’un pays qui veut défendre ses frontières. Ici l’ennemi nous vient de très loin, d’au delà des flots de l’Atlantique. Les élémens n’ont pu tout seuls