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que de l’Angleterre, de l’Espagne et de la France, mais les événemens encore récens dont l’Europe a été le théâtre ont fait surgir sur les mers de nouveaux pavillons. On a vu l’Italie, l’Allemagne et la Russie prendre place dans les combinaisons de la guerre maritime. Quel y sera leur rôle, leur influence? De quel poids ces nouvelles puissances vont-elles peser dans la balance des forces ennemies ou alliées? C’est le secret de l’avenir, et nous ne chercherons pas à le pénétrer; mais ce que l’on peut prévoir dès à présent, et ce qu’il faut prévoir, c’est que le théâtre des grandes luttes maritimes sera déplacé. Si, dans le système de la guerre anglaise, nous avions à préparer notre force navale pour une action lointaine, si au siècle dernier nous avions à disputer à nos anciens rivaux l’Inde et le Canada ou à soutenir l’indépendance américaine, d’autres intérêts vont être en lutte dans le système de guerre à venir, et ce ne sera plus sur un théâtre aussi lointain qu’ils se débattront. Les luttes que l’avenir tient en réserve, — Dieu veuille que cet avenir soit encore loin de nous ! — auront pour principal théâtre les mers d’Europe; cela (ne saurait être douteux pour personne. Elles auront pour théâtre la Manche, la mer du Nord et la Baltique d’un côté, de l’autre la Méditerranée et la Mer-Noire. C’est là qu’au début des opérations se frapperont les grands coups, les coups qui décideront pour le reste de la guerre de l’attitude offensive ou défensive des belligérans. Dans ce système de guerre, la guerre des côtes jouera un rôle considérable. Vainqueur et maître de la mer, on portera l’offensive sur le littoral ennemi ; vaincu et réduit à la défensive, il faudra défendre sa frontière maritime, la défendre contre les insultes et les exactions de l’ennemi aussi bien que contre ses efforts pour y prendre pied par un débarquement.

Cette importance de la guerre des côtes n’a pas échappé aux nouvelles puissances dont on vient de signaler l’avènement; aussi ont-elles à l’envi porté leurs efforts vers la défense de leur frontière maritime. Pour l’Italie, l’œuvre était immense, car tout était à créer; l’annexion des anciens états dont s’était faite l’unité italienne ne lui avait pas apporté une seul port militaire. Ce n’était pas Gênes et Naples, Messine et Ancône qui pouvaient servir de base à l’édifice naval du nouveau royaume. Et, si Venise avait pu suffire à une marine du moyen âge, si au temps de sa grandeur elle avait pu dominer l’Adriatique et les mers du Levant, elle ne pouvait servir les nouvelles destinées de l’Italie que moyennant de grands travaux et au prix de grands sacrifices.

Dès le commencement de 1862, au lendemain de sa constitution, le nouveau royaume se hâtait de former une commission permanente de défense. Toutefois ce n’est qu’en 1871, neuf ans plus tard