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fidèle à son roi, se montrait peu favorable à tout ce bruit, peu enthousiaste pour l’ancien dictateur de Naples; elle voyait, non sans impatience et sans inquiétude, un conflit où son esprit solide restait dans tous les cas la garantie du gouvernement. Au jour fixé, le 18 avril, la séance s’ouvrait avec une certaine solennité. Le corps diplomatique avait voulu assister à la scène; les tribunes pliaient sous le poids d’une foule passionnée. On attendait, lorsque tout à coup paraissait Garibaldi, vêtu de son costume étrange, de la légendaire chemise rouge et du manteau américain. A son entrée, les tribunes publiques éclataient en applaudissemens, la chambre restait immobile et froide. Ce premier moment passé, le baron Ricasoli, reprenant son interpellation, interrogeait le gouvernement sur l’armée méridionale et sur la réorganisation militaire de la nation. Le ministre de la guerre à son tour, le général Fanti, répondait par un exposé complet des mesures qu’il avait adoptées, que lui imposait la nécessité. Fanti, sans faiblesse, sans diplomatie, s’efforçait de montrer qu’il avait fait tout ce qu’il pouvait pour les volontaires, pour les officiers garibaldiens, pour une institution de circonstance, sans courir le risque d’introduire dans l’armée régulière des rivalités désastreuses, de blesser les intérêts ou les susceptibilités militaires. C’était un discours de ministre correct qui se défendait. Garibaldi se levait alors, et la scène s’animait.

Au premier moment, Garibaldi, assez dépaysé sur ce nouveau théâtre, ne laissait pas de s’embarrasser dans des phrases laborieuses et d’embarrasser ses amis; mais bientôt, laissant de côté les circonlocutions, allant droit au point vif de la situation, à l’antagonisme signalé par le baron Ricasoli, à la question personnelle en un mot, il s’écriait : « Je n’ai donné aucun motif au dualisme. Il m’a été fait des propositions de réconciliation, c’est vrai. Ces propositions n’ont jamais été qu’en paroles. L’Italie sait que je suis l’homme des faits, et les faits ont toujours été en opposition avec les paroles... Toutes les fois que le dualisme a pu nuire à la cause de mon pays, je me suis incliné, et je m’inclinerai toujours... Je laisse cependant à la conscience des représentans italiens ici présens de dire si, moi, je peux donner la main à qui m’a fait étranger en Italie!.. »

L’agitation commençait à se manifester par de vives interruptions, lorsque Garibaldi, revenant à l’armée méridionale, qui était, disait-il, « le principal objet de sa présence dans la chambre, » poursuivait avec une exaltation croissante : « Ayant à parler de cette armée, je devrais avant tout raconter ses actes glorieux. Les prodiges accomplis par elle n’ont été obscurcis que lorsque la main froide et ennemie du ministère a fait sentir sa malfaisante influence. Quand par