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rapide succession. L’avènement de l’empire et les guerres qui succèdent à la guerre de Russie précipitent le mouvement d’abord si lent de l’opinion publique. Les hésitations comme les résistances cèdent à la pression des circonstances, et l’Angleterre se met résolument à l’œuvre. Elle ne s’arrêtera plus qu’après avoir assuré contre toute agression la sécurité de ses rivages, et, tranquille désormais derrière le double rempart de sa frontière bien gardée et de sa flotte sans rivale, elle se reposera dans le sentiment de sa force.

Ce qu’était en 1847 la situation défensive des côtes anglaises, on vient de l’apprendre par les témoignages les plus élevés et les plus compétens. Voici ce qu’elle est devenue, ce qu’elle était déjà avant la guerre de 1870. Tout ce que sir J. Burgoyne demandait en 1847, et bien au-delà, on l’a exécuté. On a fortifié Portsmouth, Plymouth, Sheerness, et créé des ports de refuge accessibles à toute heure de la marée, parmi lesquels Falmouth, Dartmouth, Portland, Seaford, Douvres et Harwick, Jersey, Guernesey et Aurigny. On a élevé des forts cuirassés aux embouchures de la Tamise et de la Medway, à Spithead, Portland, Plymouth, Milford-Haven et Cork, c’est-à-dire tout le long des côtes de la Manche jusqu’au sud de l’Irlande. Un chemin de fer de ceinture et un réseau télégraphique, reliant entre eux tous les points du littoral, complètent ce que l’on peut appeler le matériel de la défense fixe, et assurent en même temps, par la rapidité des communications, le concours de la défense mobile.

La défense mobile par mer comprend l’escadre garde-côte (home squadron) et l’escadre du canal (channel fleet). L’escadre du canal est armée en permanence; c’est une réserve toujours prête. L’escadre garde-côte est composée de cuirassés à tourelles, de navires-torpilles et de chaloupes canonnières (gun-boats], armées d’un canon de 12 tonnes ou de 18 tonnes; elle compte aussi quelques vieux navires en bois ou en fer (block-ships) stationnés dans les chefs-lieux des arrondissemens maritimes, Londres, Sunderland, Shield, Liverpool, etc., navires-écoles servant aux exercices des coast-guards et des coast-naval volunteers, et qui portent le guidon de commandement du commodore, chef de l’arrondissement.

Telle est dans son ensemble l’organisation défensive due à trente années de sacrifices et d’efforts persévérans. Dans cette organisation, les ouvrages à terre, avec leur personnel fixe et mobile, constituent la seconde ligne de défense, la défense au corps de place ; la flotte cuirassée en est la première ligne.


II.

En recherchant ce qu’était dans le passé la situation défensive des nations maritimes de l’Europe, nous n’avions à nous occuper