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ses importations n’y mettait pas d’obstacle infranchissable. La balance du commerce en Russie est fort variable, parce que ses exportations, consistant presque uniquement en matières premières et surtout en grains, ont plus de fluctuations que ses importations. Les premières dépendent entièrement de la récolte, et rien, on le sait, n’est moins régulier que la production agricole. Aussi voit-on dans les tableaux du commerce de la Russie de grandes oscillations : l’importation et l’exportation font tour à tour monter et descendre les deux plateaux de la balance. La dernière l’a souvent emporté plusieurs années de suite, en 1865 et 1866, en 1870 et 1871[1]. Or cet excédant des entrées sur les sorties, qui dans ces dernières années s’est souvent reproduit en France, est en règle générale une véritable anomalie. La valeur des marchandises importées étant augmentée des frais de transport, qui pour les marchandises exportées ne sont pas comptés à la sortie, les premières doivent naturellement, toutes choses égales d’ailleurs, avoir un prix supérieur. Aussi, en faisant le compte du total des importations et des exportations dans tous les pays du globe, trouve-t-on toujours pour ces dernières un chiffre plus élevé, bien que le calcul embrassant l’ensemble du commerce universel porte identiquement sur les mêmes marchandises. Chez le premier peuple commerçant du monde, en Angleterre, ce que l’on appelle la balance du commerce est habituellement en faveur des entrées; en sorte que d’après le préjugé courant l’énorme chiffre d’affaires de la Grande-Bretagne n’aboutirait qu’à son appauvrissement. La Russie au contraire a été longtemps un des pays du globe où les sorties étaient le plus élevées par rapport aux entrées, et à ces époques même où il semblait que le

  1. Voici le tableau du commerce extérieur de la Russie dans les dernières années : ¬¬¬
    Exportation Importation
    1865 203,000,000 roubles. 155,200,000 roubles.
    1866 212,100,000 — 195,800,000 _
    1867 228,200,000 — 252,400,000 —
    1868 226,600,000 — 260,900,000 —
    1869 264,400,000 — 342,000,000 —
    1870 360,000,000 — 359,900,000 —
    1871 369,300,000 — 368,500,000 —
    1872 327,000,000 — 435,200,000 —
    1873 364,000,000 — 443,000,000 —
    1874 431,800,000 — 471,400.000 —

    Il est à remarquer que dans les années où l’importation a été moindre que l’exportation, en 1865 et 1866, en 1870 et 1871, le papier russe a eu parfois des cours très bas, ce qui montre que le taux du papier-monnaie est loin, comme beaucoup de personnes semblent le croire, de dépendre uniquement de la balance du commerce. L’histoire commerciale et monétaire de la Russie sous les règnes précédens en est du reste une preuve.