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pour 3 millions de roubles, n’ont donné lieu à aucun mécompte. Ces résultats n’ont rien d’étonnant ni rien d’effrayant. Avec un réseau aussi récent et traversant des pays aussi divers, les recettes ne pouvaient partout répondre dès le début aux dépenses et aux espérances. Les chemins de fer n’en sont pas moins en progrès sensibles et constans; la preuve en est la diminution progressive des paiemens en garantie d’intérêt effectués par l’état. Cette dépense s’est notablement réduite d’année en année, descendant de 15 millions de roubles en 1872 à 11 millions en 1873, à 5 millions seulement en 1874. Dans cette dernière année, les dépenses du ministère des voies de communication se sont ainsi trouvées inférieures de 4 millions 1/2 de roubles aux prévisions budgétaires. Si en 1875 la garantie d’intérêt a de nouveau coûté au gouvernement 8 millions de roubles, c’est là encore un chiffre fort inférieur à ceux de 1872 et 1873, et une part de l’augmentation sur l’année précédente doit être attribuée à l’ouverture de deux ou trois nouvelles lignes. L’extension du réseau dans les contrées les moins peuplées ou les moins riches pourra naturellement accroître cette source de dépenses, ou compenser les économies faites sur les lignes les plus anciennes et les meilleures. Il y a des compagnies peu nombreuses encore, il est vrai, celles de Moscou à Riazane, de Kozlof à Voronege et Rostof, de Koursk à Kief, par exemple, qui depuis longtemps n’ont plus besoin de recourir à la garantie gouvernementale et font déjà de beaux bénéfices.

Les sommes versées par l’état en garantie d’intérêt aux obligataires des chemins de fer ne sont à ses yeux qu’une avance que les compagnies lui doivent rembourser en lui tenant compte des intérêts. Le trésor a de ce côté sur les chemins de fer une créance que chaque année augmente. Au 1er janvier 1875, cette dette des compagnies vis-à-vis de l’état s’élevait à 215 millions de roubles; elle s’est accrue en 1875 de 14 millions provenant des nouveaux paiemens en garantie ainsi que des intérêts des sommes payées précédemment. Il est évident que cette énorme créance, toujours croissante, ne pourra jamais être intégralement remboursée. Il y a là, semble-t-il, une sorte de fiction : l’état, en considérant tous les versemens de garantie par lui effectués comme une simple avance, se fait volontairement illusion. Ce n’est là, en tout cas, qu’une fiction innocente, car, tout en regardant ces subsides aux compagnies comme un prêt remboursable, le gouvernement les inscrit parmi ses dépenses ordinaires et les couvre avec les recettes budgétaires. L’état a donc tout à gagner et rien à perdre sur ce compte des chemins de fer; les créances à faire valoir étant soldées par d’autres ressources, ce que le trésor recevra de ce côté l’enrichira, ce qu’il ne pourra toucher ne l’appauvrira point.