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faveur vous seront communs, et nous randront nous et nostre famille assurés soubs sa sauvegarde ; que de nouveaus cantiques nous luy debvrons randre ! à quoy je vous exorte, mon cœur, et m’y presparant pour de plus an plus me debvra son servisse. Plusieurs raysons me tirent d’auprès de vous et m’an eslongnent, m’assurant qu’elles vous ayderont à vous resjouir et non vous atrister de nostre absance, quy nous randra ung singulier plésir lorsque Dieu voudra de nouveau nous rassambler ; je le prie que ce soit avec heureus acroissemant de ce que nous désirons et vous et moy. Je trouve beaucoup de bonnes volontés an tous ces cartiers, telles que je les usse sçeu désirer. Je m’an vois au Dauphiné ; de là vous aurés, s’il plaist à Dieu, de mes nouvelles. Je ne suis pas d’avis que vous m’anvoyés aucune lettre après moy, d’autant qu’elles ne me trouveront pas. Remets an Dieu et nous et nos afaires, et à nous an donra issue à sa gloire et à nostre bien. Bon jour, mon cœur.

« A Montpellier, ce 23e dessembre. »


Nous le trouvons ensuite à Genève, d’où il écrit à la duchesse de Bouillon :


« Mon cœur, je m’assure que vous serés fort ayse d’avoir de mes lettres d’issy, où je me suis randu le 3e de ce mois avec Valigny, Valens et Bonavanture et trois d’Orange, où je sesjourné ung jour, et de là je partis. J’an ay randu grasses à Dieu, ayant fet la cène aujourd’huy an une debvossion extraordinayre ; y paroist pour la délivranse très miraculeuse que Dieu leur donna le 24e de l’autre mois, ayant le sieur d’Orbigny, lieutenant général an l’armée de monsieur de Savoye, resconnu ung lieu pour poser une escalade, où il fut dressé trois eschelles l’espasse d’une heure et demie sans qu’il y eut alarme aucune ; durant ce temps il n’y monta qu’environ trois cents hommes, le gros de leurs troupes atandant que ceux-ci leur ouvrissent une porte ; anfin, l’alarme se prant, peu d’hommes vont où estoit le péril et les ennemis ; ce peu de gents font quiter l’escalade et metent an route cens quy estoient antres ; quelques huns se pressipitent et d’autres furent pris ; Dieu y a besongné ; par toutes raysons humaynes ils debvoient estre perdus ; ma venue leur a esté an consolassion, et y désirent mon séjour, ce que volontiers je leur acorderois, si je voyois qu’ils y ussent de l’utillité, pour sçavoir ce que l’on doit à la site et au peuple que Dieu y a rescovré. Je m’en vois voir monsieur l’eslecteur ; du sesjour que j’y feray je ne le puis juger. »


A Strasbourg, Bouillon vit M. de Nevers, « il s’en retournoit avec quelque crainte, le roy lui ayant aussy mandé qu’il estoit des accusés. »

Il était naturel que Bouillon allât demander l’hospitalité à