Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 18.djvu/921

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cœur les vipères de la haine et de l’envie, comment le roi voulut d’abord pardonner à Biron, comment enfin il dut le livrer à la cour du parlement.

Quel fut au juste le rôle de Bouillon dans la longue conjuration de Biron ? C’est un problème historique qui n’est encore qu’imparfaitement résolu. Nous avons montré Bouillon mécontent, dès le siège d’Amiens et s’abstenant d’y paraître. Il ne tomba pourtant pas tout de suite en disgrâce ; il prit encore quelque part aux négociations relatives au mariage. d’Henri IV avec Marie de Médicis, car on a deux lettres du grand-duc qui lui exprime ses remercîmens pour ses bons offices. On sait par la correspondance de Louise de Coligny, qui se trouvait à la cour pendant l’année 1601, que Bouillon la tourmentait sur sa grande amitié pour Henri IV et sur la complaisance qu’elle avait à l’égard du roi, en ce qui concernait les préséances. Ce mince détail révèle de la mauvaise humeur chez Bouillon.

Quand le roi conçut les premiers soupçons au sujet de Biron, il se rendit à Blois dans l’intention de visiter la Guienne, le Limousin et le Périgord, où le maréchal avait des partisans. Bouillon fut mandé à Blois ; il trouva le roi changé à son égard, qui lui reprocha de ne pas l’avoir averti des mouvemens qui se faisaient. La conversation devint une altercation. Bouillon parla avec un peu trop de liberté. Il suivit pourtant le roi jusqu’à Poitiers ; là encore ils eurent un entretien particulier, d’où ils sortirent tous deux très mal satisfaits. Henri IV repartit soudain à Fontainebleau, car Lafin lui avait révélé tous les détails de la conspiration ; Bouillon eut le tort de ne pas accompagner le roi et partit seul pour Turenne, « voyage, dit De Thou, qui le jeta dans des perplexités et dans des embarras si longs et si fâcheux, que, devenu errant et incertain d’une retraite où il pût mettre sa vie en sûreté, il fut sur le point de voir tant de projets qu’il avait formés aboutir pour lui à une fin honteuse et funeste. »

Lafin ne semble pas avoir chargé directement Bouillon ; le comte d’Auvergne, bâtard de Charles IX, qui était du complot, obtint sa grâce par des révélations. Sa déposition est restée secrète ; on lit cependant dans les histoires que le comte d’Auvergne montra à Henri IV une lettre d’association qu’auraient signée Bouillon, Biron et d’Auvergne, lettre où on se promettait de se défendre les uns contre les autres, nul excepté. Bouillon avait pour principe de ne pas écrire quand il conspirait. La prétendue lettre d’association ne semble pas avoir convaincu Henri IV de la complicité de Bouillon avec Biron, car il fit écrire à Bouillon par Rosny de venir à la cour, n’écrivant pas lui-même, parce qu’un refus l’eût obligé d’aller droit à lui avec les armes. Il lui envoya le 24 juin 1602 une sorte de