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hélas ! ce n’était pas nécessaire ! Le seul espoir des maris et des fiancés était dans la brouille des deux complices, qui, séparés, n’eussent pas été aussi nuisibles ; mais ils ne se brouillaient que poux se raccommoder. Par exemple, une jeune veuve, une dame de la noblesse, demeurait à Mielnick, et cette dame avait aussi une jolie femme de chambre. Maciek épie l’occasion. et quand il l’a trouvée, le comte et son inséparable vont à la-, chasse,. Naturellement le seigneur fait sa cour à la dame, et le valet à la servante ; ni l’un ni l’autre par extraordinaire ne réussit. Après-quelques semaines de vains efforts, ils regardent l’affaire comme perdue et y renoncent, mais voilà qu’un jour en rentrant Xavier dit à Wassili :

— C’est dommage que la camériste n’ait pas voulu de toi. Elle est charmante, cette petite.

— Mon seigneur a pu en juger ?

— Oui ! — Et Xavier se mit à rire.

Huit jours plus tard, le comte étant parti à la brune pour Mielnicky entend le galop d’un cheval derrière le sien. C’est son Wassili : — Pardon, seigneur, mais pourquoi irions-nous à Mielnick par des chemins différens comme hier, quand nous sommes attendus dans la même maison ?

— Que veux-tu dire ?

— Que monsieur le comte s’arrête à l’office tandis que moi je monte au salon.

— Drôle ! s’écria le comte après une minute de stupeur. Tu as un bonheur insolent.

— Dieu merci ! répondit modestement mon Wassilli.

Ceci se passait à la fin de l’automne, juste avant cette grande neige ; mais au printemps suivant, l’espérance de leurs ennemis se réalisa : les deux jeunes gens cessèrent l’un par l’autre d’être nuisibles et pour l’éternité. C’est une triste histoire :

La fille aînée de Jasko avait quinze ans à cette époque ; elle s’appelait Kasia comme sa mère, mais elle était plus belle que ma Kasia ne l’avait jamais été, elle était très belle et en même temps tressage. Toute la commune l’aimait, cette enfant ! Il arriva un jour que le sauvage Wassili, étant entré dans la cour de Jasko pour le féliciter de sa guérison, regarda Kasia qui lui plut naturellement. Et vous allez croire que l’histoire ordinaire s’en est suivie, qu’il l’a séduite par de belles paroles ? Point du tout ! Il sentit tout à coup que pour cette fille-là il avait le grand, amour tandis qu’il n’avait eu pour toutes les autres, que le petit. Cela fait une grande différence, monsieur le bienfaiteur. Le petit amour est effronté, bavard, entreprenant, il rit de tout ; mais le grand, lui, est timide, il a peur d’une enfant, il se tait ou balbutie en sa présence. Je vous dis