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sel, et dans ce chiffre sont compris tous les emplois agricoles ou industriels. En Angleterre, au contraire, la consommation individuelle serait de 25 livres, déduction faite des emplois de l’industrie ou de l’agriculture[1]. À cette insuffisance du sel dans l’alimentation nationale l’auteur russe attribue en bonne partie les fréquentes épidémies et la grande mortalité qui frappent le peuple en Russie. M. Golovatchef va jusqu’à prétendre que l’abolition de cet impôt n’enlèverait rien à l’état, qui verrait les mêmes sommes affluer dans ses caisses par d’autres canaux. Une chose certaine, c’est que cet impôt est lourd ; si le rendement en varie naturellement peu, il est plutôt en diminution depuis 1871 et 1872, années où il a atteint son apogée. Après avoir donné 13 millions de roubles en 1872, le revenu du sel n’est évalué pour 1875 et 1876, qu’à 11 millions, c’est-à-dire qu’il recule jusqu’à 1870.

Le sucre clôt la liste des impôts de consommation, mais malgré ses récens progrès il reste encore bien en arrière du sel et du tabac. L’industrie sucrière est une de celles qui, dans les dix dernières années, ont pris en Russie le plus brillant essor. Grâce à des droits protecteurs ou presque prohibitifs, de nombreuses raffineries se sont construites dans le sud-ouest de la Russie et le royaume de Pologne. Jusqu’en 1866, l’accise sur le sucre de betteraves ne donnait guère au trésor qu’un demi-million de roubles annuellement. A partir de cette année, le revenu s’est élevé avec l’élévation de la taxe, portée de 50 à 70 kopeks par poud (40 livres environ). L’aggravation de l’impôt n’a pas empêché l’accroissement des recettes. Un demi-million de roubles en 1864,1 million 1/2 en 1867, 2 millions 1/2 en 1870, près de 4 millions de roubles en 1873, telles sont les principales étapes de cette marche rapidement ascendante. Depuis lors le revenu annuel du sucre indigène s’est brusquement arrêté et est demeuré stationnaire. Ce n’est là probablement qu’un phénomène temporaire, n’ayant d’autre raison que la mauvaise récolte des betteraves en 1874 et 1875. Les progrès de la consommation ne se sont pas ralentis, le progrès des recettes non plus, car dans les trois dernières années le fisc a retrouvé à la douane sur les sucres étrangers plus qu’il n’avait perdu à l’accise sur les sucres indigènes. L’importation étrangère, presque nulle jusqu’en 1871, s’est, malgré l’exagération des tarifs douaniers, considérablement développée en 1874 et 1875[2]. Les raffineries indigènes ne sont

  1. Golovatchef, Deciat lêt reform, p. 65, 67.
  2. Les sucres étrangers ont donné à la douane 3,286,000 roubles en 1875 contre 820,000 roubles en 1874 et des sommes tout à fait insignifiantes dans les exercices antérieurs. En 1875, le revenu total des sucres s’est ainsi élevé à 6,372,000 roubles, sur lesquels l’accise sur les sucres indigènes n’a guère fourni que 3 millions.