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et non au fond des choses ; elle n’en avait pas moins d’importance. Grâce aux travaux de cette commission, toute l’économie et, pour ainsi dire, tout le ménage intérieur du ministère des finances, a été simplifié et amélioré. Jusque-là, l’administration financière russe était une sorte de chaos. Chaque département ministériel ou chaque service avait ses revenus indépendans, qu’il touchait et dépensait à sa guise, sans allocation budgétaire. Avec un tel système, tout budget régulier embrassant l’ensemble des services publics était impossible.

Avant de constituer un budget général, il fallut poser de nouvelles règles pour la perception des recettes comme pour l’établissement, la confirmation et l’exécution des budgets particuliers des différens ministères. La réforme se résume en deux mesures corrélatives : centralisation des recettes ou unité de caisse et par contre spécialité des crédits. Toutes les sommes perçues au nom du trésor public durent entrer dans les caisses du ministère des finances, et rien n’en put sortir sans une allocation budgétaire. Tous les crédits ouverts au budget de prévision durent être appliqués exclusivement à l’objet indiqué. Telle est la loi, excellente en elle-même, mais, là comme ailleurs, moins inflexible peut-être en pratique qu’en théorie, grâce à la porte de dérobée des crédits extraordinaires. Pour veiller à l’exécution de ces règles nouvelles en Russie, il fallait une administration indépendante, une autorité spéciale. C’est là l’office du contrôle de l’empire, institution ancienne remaniée en vue de l’organisation actuelle. Sa mission est indiquée par son nom, c’est de constater la régularité des rentrées et des sorties, de réviser les comptes, de vérifier la légalité des dépenses conformément aux allocations et d’en rendre compte chaque année au conseil de l’empire. Le contrôle, ayant à sa tête un haut fonctionnaire portant le titre de contrôleur de l’empire, ne relève d’aucun département ministériel ; il a sa chancellerie, ses archives, ses agens propres, son budget particulier. C’est à côté du ministère des finances un ministère accessoire et indépendant, chargé de réviser et de vérifier les opérations du premier. Cette sorte de dédoublement de l’administration financière s’explique sans peine dans un état autocratique où il n’y a pas de chambres pour veiller au respect des allocations budgétaires, et dans un pays où la vénalité et les malversations ont longtemps été un fléau public. Grâce à cette organisation, les finances russes ont aujourd’hui un ordre et une clarté qui, sous ce rapport, mettent la Russie presqu’au niveau des états constitutionnels de l’Europe. Ces modifications, plutôt administratives que financières, ont du reste été la principale réforme accomplie sous Alexandre II dans le domaine des finances.