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pas accéder à un arrangement basé sur les principes que sa majesté impériale le tsar croit nécessaires à l’existence de son empire et au bien-être de l’Europe, sa majesté l’empereur d’Autriche emploiera les forces que la Providence a mises entre ses mains pour coopérer, dans le plus parfait accord avec les puissances alliées, à l’établissement d’un pareil ordre de choses[1]. »

Au milieu de ces transactions, toutes positives, une conception aussi « académique » que la dévolution de la régence à l’impératrice Marie-Louise avait peu de chance d’émouvoir la cour d’Autriche. La raison d’état avait décidé l’empereur François à donner sa fille à son ennemi de la veille ; les scrupules de l’amour paternel ne devaient pas l’arrêter un instant lorsque les intérêts de sa fille seraient en opposition avec ceux de l’état. « La nomination de l’impératrice à la régence, écrivait Gentz, est regardée par les hommes éclairés comme un symptôme de la dernière faiblesse… La surprise a été d’autant plus grande que l’impératrice, élevée à la cour de son père dans des principes respectables, mais absolument étrangers aux affaires publiques, ne peut pas même être supposée capable de s’acquitter avec succès d’une tâche fort au-dessus de ses moyens. Plusieurs personnes imaginent que cette démarche n’a été faite par Napoléon que pour flatter la cour de Vienne. Si tel avait été son but, on peut dire qu’il l’a complètement manqué ; mais il est bien plus vraisemblable que ce sont ses embarras directs qui lui ont suggéré ce projet bizarre. »


II

C’est dans ces circonstances que M. de Narbonne arrivait à Vienne. Il y trouva les esprits surexcités. « La haine des salons contre nous tient du délire, » écrivait-il le 1er avril. Il ne crut pas devoir atténuer les instructions très nettes qu’il avait reçues. Il mit donc Metternich en demeure de se prononcer. Le ministre autrichien écouta M. de Narbonne avec une froideur affectée et lui fit attendre cinq jours sa réponse ; cette réponse, encore que fort ambiguë dans les termes et fort équivoque dans le fond, découvrit cependant le changement de front si savamment préparé et si adroitement exécuté par l’Autriche. Metternich en était venu à ses fins. Il avait offert à Napoléon l’entremise de l’Autriche, déclarant que l’Autriche devait agir en alliée à l’égard de la France, en puissance indépendante à l’égard des autres puissances. Napoléon avait accepté l’entremise, Metternich en avait conclu que l’Autriche pouvait agir en puissance

  1. Oncken, Rapports de Lebzellern. — Martens, note du 2 avril 1876.