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guerre : il lui fallait armer et manœuvrer de façon à maintenir dans le nord de l’Allemagne et en dehors du territoire autrichien le théâtre de la lutte. La politique orientale d’Alexandre alarmait l’Autriche pour l’avenir, sa politique polonaise l’effrayait dans le présent. Les Polonais, déçus par Napoléon, s’agitaient à l’approche des Russes : Alexandre leur promettait la liberté et parlait de constituer dans le grand-duché de Varsovie un royaume de Pologne. Le mouvement pouvait gagner la Gallicie et y provoquer une révolution. Il en était de même du soulèvement de l’Allemagne, préparé par les sociétés secrètes et encouragé publiquement par Alexandre, en secret par les Prussiens. « La guerre pour la délivrance ressemble fort à une guerre pour la liberté, disait Gentz dans son journal ; ç’a été un sujet de considérations sérieuses et de préoccupations pour l’avenir. » — « Cet appel aux peuples fait frissonner tous les souverains de l’Allemagne, » écrivait le comte de Stackelberg. On trouvait à Vienne que les Prussiens et les Russes déchaînaient bien imprudemment des forces qu’ils auraient plus tard bien de la peine à contenir. Metternich comparait à des comités de salut public les conseils de l’empereur de Russie et du roi de Prusse, a Partout, disait-il au comte Otto, l’ambassadeur de France, l’incendie allumé par les Russes étend ses ravages. Je ne m’aveugle point sur les conséquences de ces mouvemens populaires provoqués au nom de l’honneur et de l’indépendance de l’Allemagne ; ils ne tarderont pas à briser tous les liens politiques et sociaux, et j’y vois les tristes présages des plus grands malheurs et de la ruine des trônes. »

Dans ces conditions, Metternich ne pouvait que louvoyer. Il avait écrit le 5 octobre 1812 à Hairdenberg : « Il faut par tous les moyens en notre pouvoir nous ménager ceux de regagner un jour cette véritable indépendance qui est aux états ce que la santé est aux individus, il faut ne pas risquer notre existence sur une seule carte. » Pour conquérir cette précieuse indépendance, il importait avant tout de se dégager de l’alliance française sans pourtant rompre avec Napoléon ; l’indépendance reconquise, il s’agissait d’entrer en relations avec les alliés, sans cependant se livrer entièrement à eux ; le moyen, c’était de proposer à Napoléon et à ses adversaires les bons offices de l’Autriche, de demander aux uns et aux autres leurs conditions de paix et de se décider pour le parti qui offrirait à l’Autriche les avantages les plus solides ; alors l’Autriche, qui aurait eu le temps de s’armer, poserait sa médiation et se déclarerait prête à soutenir par les armes les conditions de paix qu’elle aurait adoptées. Si Napoléon ne se montrait point accommodant, l’Autriche préparerait ainsi, par les négociations mêmes de la paix, une coalition formidable contre lui. Selon une expression piquante de Gentz, Metternich avait reconnu que « les