Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 18.djvu/718

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de réorganisation de l’armée, qu’une suppression arbitraire de crédit ne fait pas disparaître des lois, et que c’est là dans tous les cas un procédé subreptice, presque enfantin, peu digne d’un parlement sérieux. Lorsqu’ils suppriment d’un trait de plume les sous-préfets de Sceaux et de Saint-Denis, ils oublient encore qu’on peut bien se donner le passe-temps de biffer un traitement, mais qu’on ne modifie point par un article de budget l’organisation générale du pays, des circonscriptions administratives, et que c’est là tout simplement ce qu’on peut appeler du gâchis législatif. Ce qu’il y a de plus étrange, c’est qu’une commission parlementaire qui a la prétention d’être presque un pouvoir dans l’état, prenne sur elle de donner l’exemple de ces légèretés, au risque d’exposer l’assemblée qui subit son influence à recevoir d’une autre chambre un désaveu fondé sur le respect des lois. Maintenant c’est sur le budget des cultes qu’on s’exerce depuis plus d’une semaine, au milieu de toutes les péripéties d’une discussion qui ne laisse pas quelquefois d’être assez triste.

Que des théoriciens plus ou moins spécieux ou des déclamateurs vulgaires aient cru pouvoir, à l’occasion du budget, proposer la séparation de l’église et de l’état par la suppression totale de la dotation des cultes, la chambre, telle qu’elle existe, n’est point d’un tempérament à se laisser emporter jusqu’à cette extrémité. C’est là justement une de ces limites d’intérêt supérieur qu’elle n’est point disposée à dépasser. Elle sent bien ce qu’il y aurait de périlleux dans une expérience qui aurait contre elle la puissance des traditions, des mœurs, des habitudes, et par-dessus tout une paix religieuse de trois quarts de siècle maintenue par le concordat. A défaut de ces hardiesses ou de ces excentricités, habilement réfutées par M. Bardoux, énergiquement combattues par M. le garde des sceaux, on ne se refuse pas du moins le plaisir de tailler dans ce malheureux budget des cultes, tantôt au sujet d’une petite augmentation proposée pour le modeste traitement des desservans de campagne, tantôt à propos des bourses des séminaires ou du chapitre de Saint-Denis. La commission mène la campagne, et la chambre suit la commission. Évidemment, si ce n’était qu’un crédit refusé ou diminué par des raisons financières, ce ne serait rien. Au fond, ce qu’il y a de significatif et de grave, c’est l’esprit qui se révèle dans toutes ces discussions, dans ces votes presque invariables qui se succèdent, auxquels M. le ministre des cultes oppose une résistance aussi courageuse qu’inutile. Il faut dire les choses comme elles sont : qu’il s’agisse des aumôniers supprimés il y a quelques mois ou du chapitre de Saint-Denis et des séminaires plus ou moins atteints aujourd’hui, c’est la guerre engagée contre ce qu’on appelle le cléricalisme. Le cléricalisme, on le voit partout désormais, on le poursuit partout indistinctement, et par une sorte de fatalité, cette lutte vient de prendre un caractère plus aigu par cette irritante affaire des enterremens civils, des honneurs