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de physionomie, d’expression. Seul, le tricot inévitable traîne sur un coussin, et la vue en est associée pour vous au plus insipide bavardage : clic, clac ! le bas s’allonge, et aussi la liste des menus caquets, accompagnement obligé du café de l’après-midi.

Auprès de la fenêtre, il y a encore une table à écrire et un treillis de verdure. Les Allemands (aiment les fleurs, pourvu qu’elles ne leur coûtent rien ; du reste l’art du jardinage est encore chez eux à l’état d’enfance. Seuls, quelques riches négocians d’Altona ou de Hambourg possèdent des serres rivales de celles qu’on admire en Angleterre ; il ne faudrait pas médire non plus des parterres de Baden, de Wiesbaden, de Hombourg dans leur beau temps, mais la vertueuse Vaterland proscrit les jardins de luxe comme susceptibles d’entraîner une perte de temps et d’argent. Cependant le goût de la villégiature y est plus répandu que partout ailleurs ; quiconque n’a pas d’habitation de campagne possède au moins un prétendu jardin dans la banlieue. Mais n’oublions pas que nous sommes en train de décrire un salon : la cheminée étant absente, pendule et candélabres font également défaut. En revanche, il y a dans un cabinet vitré toutes les menues bagatelles de porcelaine et d’argenterie que peut amasser une famille, de génération en génération. Sur l’un des murs est accroché ce que vous prenez de loin pour un système planétaire ; approchez-vous, ce sont les photographies des divers membres de la famille, entourées de cadres ovales en bois noir. Là, vous avez l’intéressant spectacle de tendres époux assis la main dans la main, de jeunes messieurs affectant l’attitude militaire, de demoiselles aussi endimanchées que modestes et qui presque toutes se ressemblent. Si vous parliez de tableaux, la maîtresse du logis vous répondrait : — A quoi bon ? Nous avons nos musées publics.

La salle à manger est plus nue encore que le salon, nue jusqu’à la pauvreté ; toute notre attention se concentrera donc sur le grand poêle qui se retrouve dans toutes les chambres, bien qu’un proverbe allemand dise : « En Russie on ne fait que voir le froid, en Allemagne on le sent. » Les palais sont chauffés par des calorifères qui répandent partout une température égale ; mais le prix exorbitant du combustible, qui chaque année devient plus cher en Allemagne, condamne les particuliers à se contenter de l’affreux engin qu’on appelle le poêle. Heureux encore si c’est un Berliner Kachelofen, un de ces monumens de faïence à la vieille mode qui ne brûlent que du bois ! Dans les maisons modernes vous aurez chance de rencontrer plutôt le poêle de fonte, au charbon, avec sa chaleur de fournaise, ses odeurs fétides, son aspect noir et sinistre. Le poêle n’a d’autre avantage que celui d’épargner beaucoup de peine aux domestiques. On le remplit par derrière, une porte est ouverte dans