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tondante dure en moyenne un an, parfois plus. Il est presque chimérique d’espérer que pendant ce laps de temps un enfant livré à lui-même et que ses parens n’ont pas le temps d’amener à l’hôpital, viendra se soumettre deux fois par semaine à une opération assez pénible. Beaucoup commencent le traitement, très peu l’achèvent, et c’est encore un de ces cas où le traitement externe est préférable en théorie au traitement interne, mais où il est loin de donner les mêmes résultats dans la pratique.

Lorsque le bulletin signé par le médecin comporte au contraire l’admission au traitement interne, cette admission est valable pour le service des chroniques ou pour le service des aigus. À cette distinction correspond une division intérieure de l’hôpital, dont les salles sont effectivement divisées en salles de chroniques et salles d’aigus. La signification médicale de cette division est facile à saisir. Les maladies aiguës sont celles dont l’envahissement a été brusque et dont le dénoûment, heureux ou fatal, ne saurait se faire attendre au-delà d’un certain temps : rougeole, scarlatine, fièvre typhoïde, pneumonie, diphthérie, etc. ; on en pourrait citer bien d’autres. Les maladies chroniques sont au contraire celles dont l’établissement est relativement lent, et surtout dont la guérison ne peut être obtenue qu’à l’aide de soins prolongés, ainsi la teigne ou les maladies des os qui proviennent de la scrofule : coxalgie, maux de Pott, etc. La liste n’en serait que trop longue également. Je ne m’arrêterais pas à cette distinction si elle n’offrait d’intérêt qu’au point de vue administratif et médical ; mais elle répond malheureusement à une différence trop réelle dans la condition des enfans. Lorsqu’un enfant est atteint d’une maladie aiguë, il est toujours admis à l’hôpital, et il passe directement du cabinet de consultation à la salle de l’hôpital, dans les bras même de ses parens, auxquels on accorde cette consolation de le voir, avant de partir, chaudement couché dans un lit presque toujours meilleur que celui qu’il a quitté. Je me souviens d’avoir vu un enfant porté ainsi par ses parens jusqu’au lit d’où il ne devait peut-être pas se relever. L’enfant, que j’avais rencontré auparavant à la consultation, était atteint, autant que j’avais pu comprendre, d’une maladie qui ne pardonne guère : du croup. La mère pleurait et serrait l’enfant contre sa poitrine en suivant les yeux baissés la sœur qui la conduisait. Le père ne semblait préoccupé que de ne pas tomber en marchant avec ses gros souliers ferrés sur les parquets glissans, et il promenait autour de lui des regards effarés. En un tour de main, l’enfant fut déshabillé et placé dans son lit par la sœur : « Il ne faut pas vous désoler, » dit-elle aux parens. À la sortie de l’hôpital, je les rencontrai encore : ils emportaient précieusement de pauvres petites nippes, et la mère n’était plus seule à pleurer.