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sous tous ses aspects même les plus repoussans la misère de l’enfance. Il faut en effet avoir vu ce spectacle de ses yeux pour s’imaginer à quel degré de dégradation physique le découragement, la misère et la malpropreté peuvent conduire. Disons cependant à l’excuse de la population pauvre de Paris que la propreté est déjà par elle-même un luxe, et qu’au nombre de nos institutions charitables il est regrettable de ne pas voir figurer une large organisation de bains gratuits, qui rendraient à la population d’immenses services et arrêteraient dans leur germe bien des maladies.

Longtemps réputées incurables, la gale et la teigne comptaient autrefois au nombre des maladies pour la guérison desquelles il fallait recourir « à la grande puissance de l’orviétan. » La science a fait des progrès, et depuis qu’elle a découvert le principe de la gale en constatant l’existence de l’acarius, on peut dire qu’elle est maîtresse de la première de ces deux maladies. Il n’y a pas de gale, si invétérée qu’elle soit, qui résiste à deux frictions de la pommade sulfurée. Aussi cette maladie, qui faisait autrefois de grands ravages dans les classes pauvres, tend-elle sensiblement à diminuer. On n’en saurait dire malheureusement autant de la teigne ; le nombre des enfans teigneux est considérable à Paris, et l’existence à laquelle ils sont condamnés digne de pitié. Impitoyablement repoussés, par crainte de la contagion, des asiles et des écoles, ils retombent à la charge et à la garde de leurs parens, qui eux-mêmes sont souvent attirés hors du logis par leurs occupations journalières. Ils n’ont donc le choix qu’entre la solitude d’une chambre déserte ou le vagabondage des rues, pour lequel ils optent généralement, transportant partout avec eux le germe de la contagion. Aussi cette maladie rebutante avait-elle pris, il y a quelques années, un développement qui avait ému l’administration hospitalière, et des mesures énergiques avaient été adoptées pour combattre cet accroissement. M. Husson avait organisé en 1869 dans cinq hôpitaux de Paris un traitement externe dont l’épilation était la base, et il avait réuni sous le nom un peu trop pompeux peut-être de brigades un personnel exercé d’épileurs et d’épileuses, divisé en trois détachemens, dont un résidant aux Enfans-Malades, le second à Sainte-Eugénie, et le troisième à Saint-Louis. Mais d’un côté le personnel de ces brigades n’a peut-être pas toujours été maintenu au complet, de l’autre on a cru trop tôt pouvoir supprimer à l’intérieur des hôpitaux d’ enfans un certain nombre de lits de teigneux ; il en est résulté que ces mesures n’ont pas produit tout leur effet, et qu’au lieu de diminuer, comme on l’espérait, dans la population parisienne, la teigne demeure stationnaire. Ajoutons qu’en ce qui concerne les enfans, leur assiduité au traitement externe sera toujours difficile à obtenir. Le traitement de la teigne