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pressent tumultueusement à la porte du cabinet médical, depuis l’enfant scrofuleux et rachitique voué en quelque sorte à la mort en naissant, jusqu’au gamin des rues qui a reçu un coup dans une bagarre et qui vient avec confiance montrer au médecin son horion ; et aussi tous les types de parens, depuis la nourrice à gages qui présente avec insouciance au médecin un enfant étranger dont sa négligence a causé la maladie, jusqu’à la mère qui pleure en serrant silencieusement son enfant dans ses bras.

Le médecin se tient dans son cabinet, assisté de l’interne attaché à son service, de deux ou trois externes et d’un élève en pharmacie. Beaucoup de célérité et une certaine brusquerie apparente sont nécessaires pour mener à son terme la consultation, qui durerait la journée entière, s’il fallait écouter l’histoire et les récits de chacun, souvent interrompus par des larmes ; mais au point de vue médical l’examen des symptômes ne laisse rien à désirer, et le diagnostic est donné avec autant de certitude que le comportent les maladies de l’enfance. Les conseils d’hygiène générale ne sont point refusés, et j’ai vu un de nos médecins les plus connus examiner avec beaucoup d’attention une nourrice qu’une pauvre femme lui amenait en lui demandant si elle pouvait lui confier son enfant. Il est infiniment rare que la consultation ne se termine point par la délivrance d’une ordonnance, car ce n’est guère que dans les classes aisées que les parens peuvent se donner le luxe des inquiétudes imaginaires et des consultations inutiles. D’ailleurs le médecin saisit presque toujours cette occasion de faire prendre à l’enfant, même bien portant, un bain complet, dont il a toujours besoin et qu’on lui administre gratuitement à l’hôpital même. Est-il atteint d’une de ces indispositions passagères dont un remède ou une potion vient facilement à bout, le médecin fait rédiger par un de ses élèves et signe une ordonnance avec laquelle la personne qui a amené l’enfant se présente à un petit bureau voisin du cabinet de consultation. L’ordonnance est enregistrée, et si les parens de l’enfant affirment ne pouvoir payer, s’ils l’amènent pour la première fois, l’ordonnance est revêtue d’un visa qui leur en assure la délivrance gratuite. Autrefois les remèdes gratuits étaient délivrés à l’hôpital même et par les soins du pharmacien ; aujourd’hui les parens de l’enfant doivent se présenter à la maison de secours de leur quartier. Je ne saisis pas bien les raisons de cette innovation, qui me paraît regrettable, car elle coûte aux parens un nouveau déplacement qui représente peut-être pour eux une demi-journée de travail et de salaire. S’agit-il d’une de ces petites plaies extérieures dont le soin exige du linge, de la charpie et une certaine adresse de main, l’enfant passe directement du cabinet de consultation dans la salle des pansemens externes, où le pansement dont il a besoin est opéré par les soins d’une sœur et d’un externe, très