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des liens de cette religion que les apôtres de son entourage. Dans sa culture générale, le roi est essentiellement germanique. Il a un riche fonds de connaissances, il s’est beaucoup occupé de littérature et d’art, l’architecture est son étude favorite. — Dans la société, il n’est pas particulièrement sûr et adroit L’impression qu’il produit va mieux au cœur de ceux qui ne se trouvent plus en sa présence. On l’aime alors comme un homme affectueux, bienveillant, et c’est ainsi qu’il a laissé chez tous, grands et petits, l’amical et charmant souvenir de son apparition parmi nous ; mais il ne paraît avoir laissé à personne l’idée d’une grande capacité politique, d’un véritable homme d’état. »


Cette opinion, conforme à celle des meilleurs juges, est aujourd’hui consacrée par l’histoire. Elle attestait à cette date la sagacité de Stockmar et prenait dans ses notes une valeur particulière. N’était-ce pas, en effet, un correctif à certaines parties de cet entretien ? Il y a un point sur lequel le roi de Pousse et le baron se trouvent exactement d’accord. Vous avez remarqué à propos de notre France ces injurieuses paroles de Frédéric-Guillaume IV, dont le conseiller de la reine admire la parfaite justesse : « l’état social de la France est entièrement pourri, comme celui des Romains avant la chute de l’empire ; la France s’écroulera de la même manière. » On disait ces choses-là en Allemagne dans les derniers temps du second empire ; il est bon de noter ici qu’on les disait bien avant l’avènement de Napoléon III. Voilà un roi de Prusse qui porte le même jugement sur la France de Louis-Philippe, et dans les mêmes termes, dans les termes odieux que répéteront trente ans plus tard, à la veille et au lendemain de nos désastres, tant de bouches grossières, tant de plumes empoisonnées. Sachons une fois pour toutes que ce n’est pas tel ou tel souverain, mais la France elle-même, que l’Allemagne poursuivait d’une implacable haine. Nous l’avons trop vu après Sedan, au mois de septembre 1870 ; nous le voyons ici au mois de janvier 1842, en des circonstances moins tragiques, mais par des témoignages également irrécusables. Sachons aussi que c’est une tactique prussienne de s’appliquer à déshonorer aux yeux du monde les peuples que la Prusse a le dessein d’attaquer. À la fin de l’année 1863, quand la Prusse, traînant l’Autriche à sa remorque, se préparait à envahir le Danemark, comment les publicistes prussiens parlaient-ils de ce fier, et vaillant peuple danois ? Il y avait un mot d’ordre sur toute la ligne : le Danemark est une nation pourrie. Sur la brèche de Düppel, c’était le bien et le mal, la vertu et le vice, la virilité allemande et la pourriture danoise qui allaient se trouver aux prises. Trois ans plus tard, à la veille de Sadowa, quel était le langage des journaux prussiens à l’égard de l’Autriche ? Même ordre du jour ; l’Autriche est pourrie, La