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acte législatif, ce n’est pas seulement suspendre le cours des lois, c’est raviver sans cesse une question qu’on croyait résolue, c’est avoir l’air de donner une satisfaction aux partisans de la commune, c’est enfin prolonger une agitation toujours périlleuse autour de ce mot d’amnistie. C’est tout simplement entretenir le désordre des esprits, et ceux qui croient en finir avec les revendications des partis extrêmes par une démonstration de clémence ne s’aperçoivent pas qu’ils ne désarment personne, qu’ils ne finissent rien. On le leur a dit déjà : maintenant à quand la proposition nouvelle sur l’amnistie ? La difficulté la plus grave n’est même pas dans une cessation de poursuites ; elle est dans tout ce qui accompagne cette proposition, dans une série d’atteintes aux lois d’instruction criminelle, au principe des compétences. Ainsi, à côté des coupables qui ont été jugés et condamnés par les conseils de guerre, d’autres qui sont plus coupables encore, mais qui ont réussi à s’échapper, les contumaces auraient pu venir maintenant se faire juger par le jury ! M. le garde des sceaux, avec sa vigueur de raison, son autorité politique et sa puissance de parole, a combattu jusqu’au bout toutes ces entreprises, refusant absolument de les couvrir d’une adhésion tacite du gouvernement, d’un complaisant silence. Ce qu’il y a de plus étrange, c’est qu’on a fait presque un crime à M. Dufaure de ne s’être pas prêté aux fantaisies périlleuses qu’on lui proposait, de n’avoir pas pris lui-même l’initiative de quelque expédient pour sortir de cette mauvaise affaire. Quelle idée a-t-on alors d’un chef de ministère ? M. Dufaure devait-il imiter le démagogue fameux, obligé de suivre partout ses compagnons, sous prétexte qu’il était leur chef ? M. le garde des sceaux s’est abstenu, condamnant la proposition par son silence et par son vote après l’avoir frappée de sa parole, et ceux qui ont cru pouvoir se passer de son concours ont fini par mettre au monde un projet médiocre, atténué, à demi mutilé, — destiné sans doute à disparaître sous un vote du sénat.

Puisque M. Gambetta comprend si bien le danger des questions mal conduites, il aurait dû s’en souvenir ce jour-là, et il aurait dû s’en souvenir hier encore au lieu d’engager la chambre dans une voie sans issue. Il y a une manière de tout compromettre, même l’autorité du parlement, c’est de tout faire hors de propos et avec désordre. La commission du budget, qui est décidément un pouvoir de l’état, présidé par M. Gambetta, veut absolument supprimer des sous-préfectures. Elle se borne pour le moment aux sous-préfectures de Sceaux et de Saint-Denis. C’est bien le moins qu’on puisse accorder au conseil municipal de Paris et à des radicaux comme M. Benjamin Raspail ; mais, a-t-on fort justement fait remarquer, les sous-préfectures font partie de l’organisation administrative du pays, cette organisation est fixée par des lois, et on ne peut pourtant pas bouleverser la législation administrative à propos du budget. Qu’à cela ne tienne, on supprime toujours et on propose une petite loi qu’on renvoie à la commission du budget.