Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 18.djvu/478

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sième campagne. Elle entre en campagne avec la résolution de ne déposer les armes qu’après que justice aura été rendue… »

Voilà qui est clair, voilà qui prépare la prochaine conférence au nom de l’Angleterre, et à son tour le tsar, en recevant les représentans de la noblesse et le conseil municipal de Moscou, ne dit pas moins clairement ce qu’il entend. L’empereur Alexandre est toujours certainement le prince le plus pacifique ; il a horreur des « inutiles tueries » dont la Serbie et le Monténégro sont le théâtre. Il ne demande pas mieux que d’épargner, jusqu’à la dernière limite, le sang russe, d’obtenir par les voies pacifiques l’amélioration « positive » de la situation des chrétiens en Orient. Son vœu le plus ardent est qu’un résultat favorable sorte du travail de la conférence qui va s’ouvrir ; mais enfin si « l’accord commun » ne s’établit pas, si ce vœu pacifique ne se réalise point, si on ne peut obtenir les (t garanties » qu’on a le droit d’exiger de la Porte, — alors l’empereur Alexandre, — il le déclare tout haut, — a « le ferme dessein de procéder de sa seule initiative, » et lui aussi il fera appel à la Russie tout entière, à son dévoûment pour la cause slave et pour le tsar. Voilà qui est encore clair ! L’Angleterre ne cache pas qu’à tout événement elle veille sur l’intégrité de l’Orient, la Russie ne laisse pas ignorer que, si elle ne reçoit pas toute satisfaction, elle procédera toute seule. En désirant la paix, en la croyant nécessaire à tous les intérêts moraux et matériels de l’Europe, en réunissant une conférence, on échange des défis et des menaces, des doutes ironiques et des prévisions sinistres.

Entre toutes ces paroles de guerre, la déclaration que M. le duc Decazes a portée récemment devant la chambre a du moins le mérite de parler sincèrement et sérieusement de paix, d’être l’expression de la seule politique à laquelle la France puisse se rallier aujourd’hui. Elle ne reste certes point, en puissance égoïste, étrangère ou indifférente aux anxiétés du continent, aux solutions qui se débattent. Avec l’Angleterre, elle désire le maintien de l’intégrité de l’empire ottoman ; avec la Russie, elle souhaite, — c’est une tradition pour elle, — une amélioration réelle dans la situation malheureuse des populations de l’Orient. Elle ne peut plus pour le moinent poursuivre ce double but que par la paix et dans la paix. C’est son instinct comme son intérêt, et ceux qui cherchent des calculs dans ce goût profondément pacifique font en vérité des frais inutiles d’imagination. Décidée d’avance à ne point se mêler à toutes ces complications, ou du moins à n’y intervenir que par une action modératrice, elle reste sans effort spectatrice tranquille, sans cesser, bien entendu, de garder le sentiment de sa position dans le monde, de sa force, de son rôle éventuel, et c’est là précisément ce qui peut donner plus d’autorité aux conseils qu’on peut lui demander, qu’au besoin elle n’a point à craindre d’offrir.

Les discussions qui viennent de se rouvrir dans les chambres fran-