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où l’on avait ramené la liberté de cette plume toujours courante, — ces traits si faux, l’un après l’autre nous les aurons vus se fondre, s’effacer, et ce beau visage ouvert se dégager enfin, cette physionomie rayonnante de la femme qui n’a jamais su rougir d’exprimer librement sa pensée parce qu’elle ne connut jamais de pensée dont elle eût à rougir. Et vraiment pour ceux qui retiennent encore le culte des gloires d’autrefois, c’est une satisfaction plus grande qu’ils ne sauraient dire. Dans le temps où nous sommes, une certaine critique a répandu des idées que j’appellerais volontiers si coupables sur cette grande littérature du XVIIe siècle, — ces honnêtes gens et ces grands hommes, elle nous les a représentés si ridiculement et par-dessus tout préoccupés de je ne sais quel idéal de régularité majestueuse, de correction solennelle et compassée, de pompe et de symétrie, — ces grandes œuvres, elle a pris un tel plaisir à les mettre tour à tour au-dessous des chefs-d’œuvre de la profonde Allemagne, parce qu’elles sont claires, et, parce qu’elles respirent la santé de l’esprit, au-dessous des chefs-d’œuvre de la mélancolique Angleterre, que c’est une joie de s’assurer par des preuves nouvelles qu’il n’y aurait pour répondre que d’y puiser à pleines mains. Disons-le bien haut, cette préoccupation de la noblesse et de l’uniformité sous la règle, c’est du XVIIIe siècle qu’elles datent, et ce n’est certainement ni de Corneille ni de Molière, ni de Pascal ni de Bossuet, ni de Mme de Sévigné ni de Saint-Simon qu’il l’avait héritée. C’est la franchise qui est ancienne, et la pruderie qui est moderne, et c’est nous encore aujourd’hui qui ferions des mines, c’est nous qui nous voilerions la face avec le mouchoir de Tartuffe au récit des aventures de Charles de Sévigné. Comme si nous étions incapables de comprendre qu’il y a, je ne dis pas une innocence, mais une honnêteté naturelle de l’esprit que rien de vrai n’étonne et que rien de franc n’effarouche.

Nous n’ajouterons plus que les quelques mots nécessaires sur la manière dont M. Capmas a rempli ses devoirs d’éditeur. C’est un érudit, et nous le désobligerions à coup sûr, si nous ne lui faisions quelque chicane d’érudition.

Nous lui signalerons d’abord une inadvertance légère et sans aucun doute facile à réparer. On rencontre dans un fragment inédit cette phrase : « Le Bien Bon vous enverra votre pendule, mais qu’elle ne sorte donc point de votre tête comme un serpent; » l’expression est au moins singulière, et je cours promptement à la note; la note me renvoie à la lettre 93, note 5 et à la lettre 97, note 26; mais cette note 26 et cette note 5 me ramènent toutes deux, sans explication plus ample, à la lettre 75 d’où précisément la phrase est tirée. L’une d’elles cependant m’indique en plus, dans la grande édition, la lettre 796, où je trouve enfin cette ligne : « Je voulais que Mme de Vins vous portât votre pendule, mais... » Quoi! tant de peine perdue pour suivre les pérégrinations