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mais j’aime bien madame sa mère, et de longtemps ce degré ne lui passera par dessus la tête; » elles ne donnaient pas celui-ci, que le Grosbois nous a rendu : « Votre petite devient aimable, on s’y attache. Elle sera dans quinze jours une pataude blanche comme la neige, qui ne cessera de rire. » Elles ne donnaient pas cet autre encore, que nous devons au nouveau manuscrit : « Mme du Puy du Fou prit la peine, l’autre jour, de venir voir ma nourrice; elle la trouva fort près de la perfection, une brave femme, là, qui est résolue, qui se tient bien, qui a de gros bras, et pour du lait, elle en perd tous les jours un demi-setier parce que la petite ne suffit pas. Cet endroit est un des plus beaux de ma vie, » — ni cet autre : « Voilà votre fille au coin de mon feu, avec son petit manteau d’ouate. Elle parle plaisamment : et titata, tetita, y totata. » N’est-il pas intéressant de voir Mme de Sévigné dans son rôle de grand’mère, le cercle de ses affections qui va s’élargissant, et son amour enfin, cet amour maternel, qu’il semblait qu’on voulût rendre exclusif, passant, comme elle le dit, « par-dessus la tête » de Mme de Grignan? « Je serai ravie d’embrasser ma petite mie; vous la regardez comme un chien, et moi je veux l’aimer. » Hélas! la petite mie, c’était cette malheureuse Marie-Blanche de Grignan qu’on mit encore toute enfant au couvent de la Visitation d’Aix, et qui paya de cinquante ans de vie monacale l’honneur d’appartenir à son illustre maison. N’est-il pas peut-être plus intéressant encore, dans vingt autres endroits comme ceux que nous venons de citer, de voir Mme de Sévigné rejeter ces façons de petite-maîtresse que lui avait imposées, par excès de respect, le chevalier de Perrin, et parler franchement cette langue du XVIIe siècle, si pleine, si libre, si vigoureuse et si hardiment ennemie de toute réticence et de toute pruderie ?

On pourra faire, à la vérité, moins de cas de quelques autres restitutions. Voici sans doute une anecdote, nous dirions un fait-divers aujourd’hui, vivement et admirablement contée : « Un M. du Rivaux de Beauveau, grande maison, jeune et joli, qui avait donné dans la vue d’une fille de Mme de Montglas, qui est en religion, enfin devant, après plusieurs embarras trop longs à vous dire, l’épouser jeudi gras, il eut la fièvre le mercredi. Il faut attendre que l’accès soit passé, la petite vérole paraît : ah! mon Dieu, cela est fâcheux! Cette petite vérole fit si bien qu’il mourut hier, et voilà cette fille dans des furies d’un désespoir amoureux et romanesque dont je vous parlerais longtemps, si je voulais; » mais, comme le dit Mme de Sévigné, « en vérité, vous ne vous en souciez guère, ni moi non plus. » Remarquons toutefois en passant cette prétendue singularité grammaticale du redoublement du sujet : « un M. du Rivaux... il eut; » c’est l’usage constant du XVIIe siècle, et ce sont nos grammaires qui ont tort d’y voir une exception. Voici sans doute une correction encore curieuse ; on lisait dans la grande édition cette phrase