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jouissent les boissons fermentées, et le rôle important qu’elles jouent dans l’alimentation de tous les peuples.

Le vin et la bière sont, parmi ces boissons, les seules dont l’usage soit devenu général sur toute la terre. Et la bière ne le cède pas au vin sous le rapport de l’antiquité de l’origine. Il existe un papyrus où un père reproche à son fils de passer ses journées dans les cabarets à boire du hag : hag et zehd sont les noms des deux espèces de bière que brassaient les Égyptiens. Loin d’être une invention des peuples du Nord, qui auraient trouvé dans leurs grains un moyen de suppléer à l’absence de la vigne, comme on le croit communément, la bière paraît en effet avoir pris naissance en Égypte, et c’est Osiris qui enseigna à son peuple l’art de la fabriquer. La ville de Peluse, sur les bords du Nil, était renommée pour sa bière, et c’est peut-être de là que cette boisson s’est répandue sur toute l’Europe, chez les Grecs et les Romains, les Ibères et les Celtes, les Germains et les Gaulois. Dans les Gaules, on l’appelait cerevisia, vin de Cérès, d’où le nom de cervoise, encore usité au XVIe siècle.

La bière est une infusion de malt (farine d’orge germée) et de houblon, qu’on a fait fermenter. C’est, aussi bien que le vin, une boisson spiritueuse d’origine végétale, du « vin d’orge, » comme la nommaient aussi les anciens ; mais elle est moins acide et moins alcoolique que le vin, et plus chargée de matières en dissolution, ce qui fait qu’elle est en général beaucoup plus altérable. L’emploi du houblon, qui a pour but d’aromatiser la bière et d’en faciliter la conservation, date de la fin du XIe siècle : on en attribue la première idée à des moines allemands. Pendant plusieurs siècles, la bière houblonnée allemande donna lieu à une forte exportation : Rostock et Lubeck en expédiaient en Angleterre jusqu’à 800,000 barils par an ; mais les Anglais ne tardèrent pas à s’emparer du secret de cette fabrication, et aujourd’hui leur ale et leur porter se fabriquent en quantité suffisante pour faire face à une consommation colossale.

La Grande-Bretagne en effet produit maintenant chaque année environ 40 millions d’hectolitres de bière (plus de 120 litres par tête d’habitant), et à peine 2 pour 100 de cette quantité sortent du pays, car les colonies anglaises elles-mêmes commencent à avoir leurs brasseries. L’Allemagne, qui ne vient qu’en seconde ligne, produisait en 1872 environ 28 millions d’hectolitres de bière (70 litres par tête d’habitant pour le pays entier, mais 40 litres seulement pour l’Allemagne du Nord et 160 pour l’Allemagne du Sud). Enfin l’Autriche, qui commence à figurer parmi les principaux pays producteurs, a fabriqué, la même année, 12 millions d’hectolitres