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à demi entraîné vers la réconciliation. Toujours est-il que le cardinal Antonelli se hâtait de brouiller tous les fils de la négociation, et il donnait même l’ordre au docteur Pantaleoni de quitter les états romains sous vingt-quatre heures ! L’intrigue des adversaires de la paix l’avait emporté, pour le moment, tout semblait suspendu. Cavour n’avait pas réussi par le « moyen secret ; » il avait le « moyen public, » le parlement, et il trouvait une occasion naturelle à propos d’une interpellation qui lui était adressée sur les affaires de Rome au mois de mars 1861. Cette interpellation opportune, elle n’était pour lui qu’une manière de reprendre ou de continuer la négociation au grand jour, devant l’opinion italienne et universelle, en avouant plus que jamais dans toute son étendue, et j’ose ajouter dans sa grandeur, la politique dont il ne cessait de poursuivre la réalisation.

Déjà il avait dit en plein parlement : « L’étoile qui nous dirige maintenant, c’est que la ville éternelle, sur laquelle vingt siècles ont accumulé toutes les sortes de gloire, devienne la splendide capitale du royaume italique. » Ce qu’il avait dit déjà, il le confirmait avec plus de netteté, avec plus d’ampleur au mois de mars 1861. Certainement Cavour ne se laissait pas diriger dans son choix par des entraînemens d’imagination, par des passions d’artiste. Il avouait avec une spirituelle humilité que pour son goût il préférait à tous les monumens de Rome « les rues simples et sévères de sa ville natale. » Il aimait Turin, il ne le sacrifiait pas sans peine, et il lui arrivait de dire : « Ah! si l’Italie pouvait avoir deux capitales, une pour les dimanches, l’autre pour les jours ordinaires ! » Il ne se décidait que par une raison toute politique, parce que Rome seule pouvait dominer de son nom et de sa majesté les rivalités des villes italiennes, par conséquent mettre le sceau définitif à l’unité, — et il voyait un intérêt de premier ordre à le proclamer, pour couper court à tout débat, pour pouvoir dire à l’Europe : Vous le voyez, la nécessité d’avoir Rome pour capitale est reconnue et sanctionnée par la nation tout entière. — « Rome seule, s’écriait-il, doit être la capitale de l’Italie; mais ici commencent les embarras du problème... Il faut que nous allions à Rome, mais à ces deux conditions : que ce soit de concert avec la France, et que la grande masse des catholiques en Italie et ailleurs ne voie pas dans la réunion de Rome au reste de l’Italie le signal de l’asservissement de l’église. Il faut, en d’autres termes, que nous allions à Rome, mais sans que l’indépendance du souverain pontife en soit diminuée, sans que l’autorité civile étende son pouvoir sur les choses spirituelles... »

Ce n’était pas facile sans doute, ce n’était pas non plus impossible. Au sujet de la France, il n’hésitait pas à dire : « Il serait