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Melbourne. Le seigneur pococurante allait-il compromettre la dignité du prince dans une question bien autrement grave ? N’y avait-il pas lieu de le guider, ou plutôt de le prévenir, c’est-à-dire de se substituer à lui ? C’est l’idée qui vient tout naturellement au baron de Stockmar. Ami de la reine et du prince, il pouvait bien se mettre en rapport avec les principaux chefs de l’opposition, et, par une démarche officieuse, préparer la décision officielle. Que n’avait-il procédé ainsi au sujet des 50,000 livres que le parlement a refusées au prince Albert, ou, pour mieux dire, à lord Melbourne ! Mais laissons-le parler :


« 10 juin 1840.

« … Mon plan serait d’agir parfaitement d’accord avec l’opposition. Je ne sais ce que la reine et les ministres en penseront, mais quand je me rappelle de quelle façon les choses ont marché dans la question de la liste civile et du droit de préséance, je suis disposé à ne compter que sur moi. Il ne peut être question que d’une alternative : le prince sera-t-il régent avec ou sans conseil de régence ? À mon avis, et par les mêmes raisons qui ont fait voter le bill de régence pour la duchesse de Kent, le mieux est de nommer Albert régent sans conseil de régence.

« C’est dans ce sens que je chercherai à agir sur les tories et sur l’opposition. Cependant je ne me dissimule pas qu’il y aura des objections de toute espèce, par exemple : la jeunesse du prince, son ignorance du pays et des institutions, etc. Je sais aussi que les ducs de Cumberland, de Cambridge, de Sussex, ne voulant pas être passés sous silence, chercheront à agir, les deux premiers par les ultra-tories, le dernier par les ultra-libéraux. »


« 26 juin 1840.

« Sur la question du bill de régence, j’ai eu jusqu’à présent deux communications avec sir Robert Peel par l’entremise de lord Liverpool. La première fois je lui fis dire que la chose viendrait à la fin de la session, que l’accord des partis sur ce sujet était de la plus grande importance, et que par conséquent on désirait connaître d’avance son opinion, quelle qu’elle pût être. Il répondit avec circonspection, comme toujours, mais amicalement. Il connaissait très exactement tout ce qui s’était passé à l’occasion du bill de régence voté en faveur de la duchesse de Kent, car il était ministre à cette date. Pour pouvoir donner une réponse, il n’aurait besoin de consulter qu’un petit nombre de ses amis. — Sur ces entrefaites, Peel entendit affirmer que les ministres ne présenteraient pas le bill de régence dans cette session, mais que, la session close, ils convoqueraient de nouveau le parlement au mois d’octobre. Je fis interroger Melbourne à ce sujet ; Melbourne répondit que jamais