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Nord-End a donné 20 pour 100, est monté à 140 ; aujourd’hui il est coté 0.

Citerai-je quelques-unes des histoires comiques ou tragiques de ces sociétés ? Parlerai-je de cette colonie de Friedenau, sur laquelle un grand propriétaire offrit généreusement asile aux gens de petite fortune, employés, retraités, professeurs, artistes, hommes de lettres, loin des bruits et de la fumée des fabriques, loin de la vue des « maisons de prolétaires ? » La société commence modestement avec un capital de 10,000 thaler, qu’elle élève bientôt à 400,000 ; elle distribue des dividendes fabuleux la première année et pousse ses actions à 200 : elles sont aujourd’hui à 15 ; de dividende, il n’est plus question ; quant à la ville projetée, elle compte 60 maisons, difficiles à louer. Parlerai-je de la société Berlin-Charlottenbourg, de cette magnifique rue Impériale, qui fut tracée de Steplitz à Charlottenbourg. Il n’y manque aujourd’hui que des maisons, et les troupeaux paissent encore sur les terrains à bâtir. Il faut aussi une mention à la société de West-End, qui avait entrepris l’établissement d’une colonie de villas, sur la route de Spandau, derrière Charlottenbourg, au point où s’élève une de ces collines chauves, brûlées par le soleil, tourmentées par tous les vents, qui rompent, sans y ajouter le moindre charme, la monotonie désolante de la plaine de Brandebourg : ici encore de larges rues sont tracées ; elles portent des noms poétiques : rue des Acacias, des Platanes, etc. On projette un grand casino, un restaurant de premier ordre, un château-d’eau. West-End ne suffisant pas, on aura Neu-West-End, où l’on enclavera le château du « Repos dans les bois ; » de ce château partira vers le vieux palais de Berlin une avenue superbe, « la plus belle, la seule avenue du monde. » L’avenue est encore à naître ; quelques maisons déparent la solitude des rues des Acacias et des Platanes. Les actions, qui sont montés à 225, sont aujourd’hui à 1.

Pendant que quelques industriels s’appliquaient de la sorte à embellir les environs de la capitale, d’autres donnaient leurs soins à la capitale elle-même. Ne fallait-il pas à Berlin des passages, un Palais-Royal, un Grand-Hôtel ? On voulut en même temps lui donner tout cela. Une société se fonda pour la construction et l’exploitation d’un passage entre les Tilleuls et la rue Frédéric. L’opération était commencée avant la guerre ; on fit les choses en grand : des deux côtés de la haute et large galerie bien décorée on ménagea des boutiques, des salles de restaurant et de concert. Tout était prêt le 22 mars 1873, jour anniversaire de la naissance de l’empereur et roi, qui voulut bien honorer de sa présence la fête d’inauguration. On soupa et l’on dansa. Puis on attendit les locataires ; mais l’établissement avait coûté si cher que les loyers étaient