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et la plus certaine vérification d’une bonne théorie des facultés de l’âme. Ni le médecin ne peut rien comprendre à la folie, s’il n’a que de vagues notions sur la psychologie de l’homme en santé, ni le psychologue n’est en possession d’une science expérimentale et complète du moi, s’il ne peut rendre compte des déviations et perversions étranges que les puissances mentales subissent dans la folie. La psychologie prête ici des lumières à la médecine et en reçoit d’elle à son tour, et il est permis de regretter, pour l’une comme pour l’autre, que la nécessité de ce fraternel échange soit encore si généralement méconnue.

Ce reproche, M. Despine le mérite moins que personne, car avant d’aborder le problème complexe de la folie, il prend soin d’exposer toute une psychologie qui lui appartient en propre, bien qu’il se fasse peut-être quelque illusion sur l’importance et la nouveauté de certaines théories particulières, et qu’il lui arrive parfois de prendre pour une découverte un simple changement de nomenclature. Quoi qu’il en soit, si nous voulons le suivre dans son explication de la folie, il nous faut sommairement indiquer les traits essentiels de sa doctrine psychologique.

M. Despine reconnaît deux ordres de facultés entre lesquels il établit une distinction profonde : les facultés intellectuelles et les facultés morales ou instinctives. Les premières sont au nombre de trois; la perception, la mémoire et la faculté réflective, dont les opérations essentielles sont l’attention, le jugement, le raisonnement. Ces trois facultés sont vraiment primitives et irréductibles; elles ne peuvent, même dans la folie, se pervertir; le seul genre d’altération qui puisse les atteindre, c’est l’affaiblissement.

Les facultés morales, que M. Despine préfère désigner par le nom de facultés instinctives, sont celles par lesquelles l’homme acquiert la connaissance de ce qu’il doit faire pour agir sagement et raisonnablement. Elles se manifestent par les inclinations, les penchans, les répulsions, les tendances, les besoins de l’âme : d’un seul mot, les instincts. La connaissance qu’elles donnent n’est pas le produit laborieux et tardif de la réflexion; elle est naturelle, spontanée, intuitive. Toute science innée, qu’elle ait rapport aux besoins du corps ou à ceux de l’esprit, est due à l’une de ces facultés.

M. Despine n’attache qu’une importance médiocre à l’énumération méthodique et complète de ces facultés morales, et la liste qu’il en donne présente tous les caractères de l’incohérence et de la confusion. On y trouve pêle-mêle les affections de famille, la prudence et la prévoyance, la politesse, l’espérance, la crainte, le sentiment de l’autorité, l’instinct d’imitation, la curiosité et la causalité,