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— Cela ferait perdre des journées d’ouvriers. — Le mot a été dit, et le mot de la situation est là.

Hâtons-nous de dire qu’en citant ces faits bien connus, nous n’avons nullement la pensée de critiquer, sauf sur un point, l’état des ouvriers de nos arsenaux. Il est évident que pour retenir ces hommes laborieux, intelligens, nécessaires, la marine doit leur assurer quelques avantages. Dans d’autres pays, on les attirerait par l’appât d’un salaire élevé; mais en France nous avons le goût des paies infimes, quitte à chercher de tous côtés de petits moyens cachés de compenser leur insuffisance. Nos ouvriers sont donc mal payés, mais, affranchis par le second empire de l’obligation de faire partie de l’inscription maritime, affranchis par le régime actuel du service de la réserve, ils sont en fait exemptés des plus lourdes charges qui pèsent sur le citoyen. Au bout d’un certain nombre d’années passées dans les arsenaux, la retraite du vieux soldat leur est assurée. Il nous paraît juste et sage, par ces avantages et par la continuité de l’emploi qui en est inséparable, d’attacher indissolublement à la marine la majeure partie des ouvriers des arsenaux: mais si ces avantages s’appliquent à tous sans distinction, si, du moment qu’on entre dans un port, le travail et les exemptions ci-dessus sont assurés quand même, si de plus la politique s’en mêle avec ses associations, ses cotisations électorales, ces agglomérations d’ouvriers à situation exceptionnelle prendront tous les caractères d’ateliers nationaux.

Après les ouvriers, c’est le personnel administratif, dont le trop grand nombre de nos établissemens a amené l’augmentation exagérée avec des inconvéniens d’une autre nature. Les progrès de la défiance publique en matière administrative, le besoin de tout contrôler indéfiniment ont engendré une multiplicité de rouages qui entraînent des pertes de temps immenses, qui éparpillent et annulent la responsabilité. La responsabilité n’existe plus aujourd’hui dans nos ports, et par suite l’autorité, l’initiative du chef, indispensables à l’action rapide, n’y sont plus connues. Les formes de l’autorité subsistent, mais la réalité est absente. Tout se fait le règlement à la main, à coups de commissions, de sous-commissions, avec le concours nécessaire de vingt signatures pour autoriser le déplacement d’un clou. Pour donner toutes ces signatures, il faut une nuée de fonctionnaires, et, les formes administratives étant partout les mêmes, la nuée se reproduit exactement dans chaque port. Divisés en catégories de signataires, bien que leur service de bureau soit identique, ils forment un certain nombre de corps gradés et assimilés :

Le corps du commissariat avec six grades,
Le personnel des commis du commissariat avec quatre grades,