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d’impôt. Ce sont ces révisions (revizia) qui fixent pour une période donnée le nombre des âmes soumises à la capitation, nombre qui d’une révision à l’autre demeure invariable, quels que soient les décès ou les naissances. On comprend que pour la répartition des terres communales l’on ait adopté les époques fixées pour la répartition de l’impôt. La commune est solidaire devant le fisc, et grâce à un nouveau partage où chaque famille obtient un lot proportionnel aux charges qu’elle supporte ou aux bras dont elle dispose, l’impôt qui d’après la loi pèse sur les personnes, se trouve indirectement ramené à un impôt sur les terres, à un impôt proportionnel aux ressources agricoles de chacun.

Les fatales conséquences des fréquentes répartitions du sol n’ont pas besoin d’être indiquées. Sur ce point les dépositions de la commission d’enquête sont presque unanimes. Le paysan détenteur d’un lot de terre qu’il sait ne devoir pas conserver, ne s’y attache pas, et ne cherche qu’à en tirer un produit immédiat sans s’inquiéter du lendemain. Il réserve ses soins et sa prévoyance pour le petit enclos qui entoure son izba et n’est point sujet au partage périodique. Ainsi semblent se montrer chez le moujik même les avantages de la propriété fixe et individuelle sur la propriété collective. Le cultivateur du champ communal redoute de s’imposer un travail ou des frais dont ne profiterait qu’autrui. Le manque de toute fumure, de tout engrais dans beaucoup de villages de la Grande-Russie est attribuée à cette absence d’intérêt du cultivateur dans l’amélioration de la terre. De là appauvrissement inévitable du sol le plus riche, et aggravations constantes des mauvaises récoltes. À ce mal il y avait jadis un remède, au moins un palliatif : on abandonnait les terres épuisées pour des terres neuves, parfois vierges de la charrue; aujourd’hui l’accroissement de la population et de la culture rend le recours à ce moyen de plus en plus difficile et de moins en moins efficace.

Est-ce là un mal irréparable, un fléau naturellement inhérent à la propriété collective? Pour un esprit impartial, cela n’est point encore démontré. Certaines communes des gouvernemens de Simbirsk et de Penza entre autres, se sont mises à imposer aux paysans des fumures obligatoires, sous peine de garder le même lot à la nouvelle répartition. Cet exemple pourrait être imité, et l’autorité communale étant toujours sur les lieux serait mieux à même qu’un propriétaire éloigné de veiller à l’observation de semblables conditions. Il est du reste un moyen plus simple et d’un usage plus facile encore, c’est de reculer les époques de partage. Or, d’après l’enquête agricole, c’est ce qui se fait de plus en plus presque partout. Tantôt de leur propre mouvement, tantôt sous l’impulsion d’un fonctionnaire intelligent, comme à Kazan, les paysans allongent la