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ment utile, la France ne l’oublie pas, et elle n’éprouve aucune malveillance pour la politique russe. Elle oublie encore moins les liens de traditions, d’intérêts libéraux qui la rattachent à l’Angleterre. Elle est ralliée de tout le monde sans être engagée dans aucune combinaison, sans briguer impatiemment les alliances, sans vouloir devancer la marche des événemens.

La France fait, aujourd’hui ce que la Russie a fait, elle-même avec succès il y a vingt ans. Elle réserve sa prévoyance et ses efforts pour ses propres intérêts, et elle désire la paix parce que la paix est utile pour elle comme pour l’Europe toute entière ; mais ce serait une erreur de croire que cette politique d’impartialité, recueillie soit absolument le résultat de l’indifférence ou de l’impuissance. Lorsque des questions d’humanité, de civilisation s’élèvent, la France ne reste point insensible, et en travaiillant de son mieux au maintien, de la paix, elle ne sera pas moins favorable à tout ce qui pourra être tenté pour faire reculer la barbarie, pour améliorer régulièrement le sort des populations chrétiennes et slaves de l’Orient. Qu’on lui offre des moyens sérieux, pratiques, elle les sanctionnera et ne sera pas la dernière à en favoriser l’application. La France n’est pas plus impuissante qu’elle n’est indifférente. Ce n’est point sans doute que par une illusion nouvelle elle s’exagère les forces qu’elle a retrouvées et les progrès de sa reconstitution. Elle se sent du moins assez de ressources et d’énergie pour avoir le droit de compter dans les affaires européennes, pour que la politique mesurée qu’elle suit puisse être considérée comme un acte réfléchi, non comme la rançon d’une, faiblesse qui la laisserait sans défense. Il y a, il est vrai, des journaux qui mettent leur patriotisme à plaindre tout haut la France de n’être plus rien aujourd’hui en Europe, de n’avoir plus d’influence dans les conseils, parce qu’elle est sous la république. C’est le langage de l’esprit de parti poussé jusqu’à la diffamation envers le pays. Au fond, sous cette république, pourvu qu’elle reste ce qu’elle doit être, la France est assez forte pour avoir une opinion s’il le fallait, pour porter son poids dans les alliances si l’occasion s’en présentait, et bien plus encore, pour se défendre si elle était gratuitement défiée, si elle était troublée dans l’œuvre de réorganisation intérieure qui reste sa première pensée.

La réponse la plus décisive que les partisans sincères de la république puissent opposer à ceux qui prétendent aujourd’hui que le régime nouveau déconsidère et affaiblit la France devant l’Europe, c’est une imperturbable sagesse. Ils ont au moment présent une occasion toute naturelle dans cette session supplémentaire qui vient de s’ouvrir et qui devrait avant tout être consacrée au budget. Dans les affaires extérieures, il est vraisemblable que les républicains de la chambre sauront avoir cette sagesse en évitant les discussions inutiles, en se bornant à provoquer quelque déclaration de M. le duc Decazes, qui de son côté n’aura pas