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français. Les prérogatives de notre sénat sont faciles à définir. Cette assemblée excéderait son droit et dérogerait à la constitution du 25 février, si elle essayait de transformer en loi la proposition d’impôt dont elle a été saisie par M. de Lorgeril : tout au plus peut-elle considérer cette proposition comme une pétition et la renvoyer au ministère des finances : elle ne saurait y donner une autre suite, car c’est à la chambre des députés qu’il appartient de statuer la première en ces matières. Mais on ne saurait contester au sénat, à l’égard du budget, le droit d’examen et de révision qui lui est attribué sur toutes les lois. La constitution n’a pas fait d’exception pour le budget, qui ne peut revêtir le caractère d’une loi obligatoire que par le vote des deux chambres et la sanction du pouvoir exécutif. Le sénat n’enregistre pas le budget; il le vote et par conséquent il le discute et peut l’amender : or, amender le budget, c’est accroître, réduire ou supprimer les crédits qui y sont inscrits. Le sénat, ayant devant lui le projet de budget, présenté par le gouvernement et les amendemens que la chambre y a apportés, peut rétablir dans un article le chiffre proposé par le gouvernement : c’est l’exercice pur et simple de son droit,

Qu’adviendra-t-il, quand le sénat usera de sa prérogative;? La décision de cette assemblée sera-t-elle définitive et souveraine? Évidemment non, et précisément parce que le budget est une loi comme une autre, il doit, s’il est amendé par le sénat, revenir devant la chambre des députés, puisque l’assentiment de l’une et de l’autre chambre est également indispensable pour lui conférer le caractère obligatoire. La chambre des députés aura donc toujours à se prononcer sur les amendemens que le sénat apportera au budget. La constitution n’a point disposé pour le cas où les deux assemblées persisteraient chacune dans son avis; mais rien n’interdit aux chambres françaises de recourir à la voie, légalement établie ailleurs, d’une conférence amiable, destinée à amener une transaction.

Dans la question qui préoccupe aujourd’hui les esprits, la chambre des députés, si elle écoute la voix de la sagesse, de la justice et du droit, reviendra sur sa décision. C’est aux jurisconsultes qu’elle renferme dans son sein à lui démontrer qu’elle a excédé sa prérogative en touchant, par la voie indirecte d’une décision budgétaire, à une loi en vigueur. Une loi existante ne peut être abrogée ou modifiée que par une loi nouvelle, rendue dans les formes constitutionnelles, avec le concours de tous les pouvoirs : tant qu’elle subsiste, elle doit être observée dans son intégrité. C’est en vain qu’on prétendrait distinguer ici entre la fonction et le traitement attaché à la fonction, et soutenir que la un du 20 mai 1874 n’est