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12 de son projet une rédaction identique à celle de l’article 18 du projet du gouvernement, et ainsi conçue : « Le sénat a, concurremment avec la chambre des députés, l’initiative et la confection des lois. Toutefois les lois de finances doivent être, en premier lieu, présentées à la chambre des députés. » Cette similitude de rédaction est d’autant plus importante à signaler qu’au sein de la commission, par une appréciation erronée du rôle de la chambre des lords et du sénat des États-Unis, on s’était demandé si le sénat ne devait pas demeurer étranger à la confection des lois d’impôt et du budget, et que cette question, qui est précisément celle que l’on élève aujourd’hui, avait été résolue négativement. Voici en effet comment s’exprime le rapport de la commission, déposé dans la séance du 3 août 1874 :


« Il ne restait à la commission, pour accomplir sa tâche, qu’à déterminer les attributions du sénat : elles ne pouvaient être moindres que celles de la chambre des députés, et elles devaient assurer au sénat, par le vote de toutes les lois, la plénitude de la puissance législative. Or la loi ne serait pas l’œuvre du sénat, s’il n’avait que le droit de s’y opposer sans avoir le droit de la réviser. Il doit donc participer, à titre égal, aux attributions de la chambre des députés, à moins de lui être sacrifié.

« Il ne serait pas aussi déplacé de revendiquer pour la chambre des députés, nommée directement par tous les électeurs, le droit de régler seule les lois d’impôts et le budget, qui en Angleterre restent étrangères à la chambre des lords, et dans lesquelles le sénat des États-Unis ne peut prendre aucune initiative.

« Mais, en France, n’est-ce pas dans les questions de budget et d’impôt que le contrôle du sénat peut être le plus salutaire et le plus nécessaire? N’y a-t-il pas dans les lois de finances des dispositions législatives qui pourraient désorganiser d’importans services? Ne faut-il pas garantir les intérêts de la propriété, dont le sénat doit être le gardien tutélaire, contre une répartition arbitraire des charges publiques, qui pourrait être le signal d’une révolution sociale ?

« Dans la même pensée, le droit d’initiative et le droit d’interpellation ne peuvent être refusés au sénat. Les lui contester, ce serait le déshériter de la participation au gouvernement qu’il s’agit de lui garantir. »


Il semble donc que la commission ait eu le pressentiment qu’en cas de divergence d’opinion entre le sénat et la chambre des députés les partisans d’une mesure pourraient entreprendre de contester le droit du sénat, et qu’elle ait voulu couper court à toute équivoque. Cette décision est d’autant plus essentielle à constater que, dans le système de la commission, le sénat devait se composer