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« Aucune prérogative ne sera donc compromise. Aussi le gouvernement vous propose-t-il d’admettre provisoirement l’article dont il s’agit, sous les réserves constitutionnelles et politiques que je viens d’énoncer.»

La commission de la chambre des pairs, par l’organe de son rapporteur, M. de Fréville, prit acte des déclarations du gouvernement, et conclut dans le même sens que le ministre. Ce fut donc à la demande du gouvernement que la chambre haute ne fit pas usage du droit d’amendement dont une telle demande était la reconnaissance formelle. Elle n’eut point à regretter cette abstention, car des élections générales ayant envoyé sur les bancs du Palais-Bourbon une majorité conservatrice très compacte, il ne fut plus question, dès l’année suivante, ni de l’article additionnel de M. Eschassériaux, ni des autres amendemens, inspirés par le même esprit, qui avaient occupé la chambre des députés pendant la session de 1833.

C’est à partir de 1833 que l’ordre se rétablit dans les finances de la monarchie de juillet, et que les budgets et les lois des comptes purent être l’objet de discussions régulières et approfondies ; mais la priorité accordée à la chambre des députés produisit les mêmes effets que sous la restauration, et la chambre des pairs se plaignit d’être saisie trop tardivement des deux budgets. Dans la session de 1835, M. le comte Roy, en présentant le 17 mai le rapport sur le budget des dépenses de 1836, qui avait été apporté à la chambre des pairs seulement le 12 mai, motiva la concision de son rapport sur l’inutilité de formuler aucune observation à une époque de la session où la chambre se trouvait sous une sorte de contrainte morale, placée entre l’alternative de créer des embarras au gouvernement, ou de voter, sans discussion et presque sans examen, une somme énorme que des crédits supplémentaires et extraordinaires ne manqueraient pas d’accroître encore.


« Vous êtes forcés, disait M. le comte Roy, de donner votre assentiment à un projet de loi qui présente un grand nombre de dispositions législatives diverses, étrangères les unes aux autres, dont plusieurs n’obtiendraient même probablement pas votre assentiment, si vous étiez appelés à les voter librement.

« La France doit gémir de la continuation d’un si grand désordre, et de l’impuissance dans laquelle vous êtes continuellement placés de pouvoir remplir avec efficacité et avec dignité la haute mission que, dans ses intérêts, vous tenez de la constitution du pays.


Plusieurs pairs s’associèrent à cette plainte, dans les séances des 20 et 21 mai, et l’un d’eux, M. le baron Mounier, s’élevant avec vivacité contre un ordre des travaux législatifs qui privait la chambre des pairs de l’exercice de sa prérogative, et la contraignait à adopter