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pendant que le colon, de son côté, forcé de se plier à des nécessités de milieu, modelant son genre de vie sur celui des races préexistantes, perdait plus ou moins vite, selon les conditions du lieu de son établissement, ses habitudes européennes.

Il serait injuste de déclarer que cet abâtardissement a été l’état ancien des nations soumises; bien que les Mexicains et les Quichuas soient les seuls peut-être dont on parviendra à fixer le caractère historique sur des données à peu près complètes et qui aient appelé jusqu’ici presque exclusivement l’attention des savans, il n’en faut pas moins reconnaître que les Guaranis, dont la puissance s’étendait plus que celle des Quichuas, les Araucans, qui jusqu’à ce jour ont su conserver leur autonomie, les peuples même des pampas, surtout les Pehuenches, qui ne sont ni vaincus, ni près de l’être, possèdent une mythologie, une poésie, des drames, des rites religieux qui, pour être peu connus, n’en sont pas moins intéressans. Sans rechercher donc l’unité d’origine ou la similitude du développement de chacun de ces peuples, il est utile de recueillir au milieu des observations que les chroniqueurs ou les hommes de science nous ont rapportées, les manifestations diverses de l’intelligence humaine chez des races que leur manière de vivre, le sol, le climat, la latitude, et en général toutes les circonstances locales ont influencées différemment,


III.

L’hypothèse la plus vraisemblable est que le hasard a jeté sur le continent américain à diverses époques, du côté de l’Océan-Pacifique, des barques d’Asiatiques, comme de tous les temps les courans marins ont conduit en Islande et même jusqu’à la rive irlandaise, et une fois jusqu’à la côte de Bretagne, sous Louis XII, des barques d’Esquimaux. Le hasard n’a peut-être pu conduire des barques jusque vers les régions tempérées, la distance, à la hauteur du 45e parallèle, étant trop grande entre les deux continens asiatique et américain, et il faut supposer que le débarquement se sera toujours opéré entre les 55e et 65e parallèles, — c’est l’hypothèse admise par Humboldt, — et que la population descendit du nord au sud, cherchant une nature moins indomptable. Des arrivages successifs eurent lieu sur des points différens à des époques différentes, des fractionnemens s’opérèrent dans les divers groupes; il est donc inutile d’assigner à toutes ces familles une origine identique, aussi bien qu’il serait impossible d’admettre l’immobilité du langage, de la religion, des mœurs à travers les âges.

Cependant cette observation a été généralement faite qu’il existe