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Commentarios reales que vieux et après un long séjour en Espagne; mais sa connaissance de la langue quichua, des usages et même des quipos, — combinaison de nœuds et de couleurs, — qui, s’ils eussent été conservés, auraient pu nous livrer l’histoire entière du royaume des Incas, donne à son récit un caractère spécial. Le chroniqueur mexicain qui peut lui être comparé est Ixtlixochitl, descendant lui-même des souverains aztèques, parlant la langue tezcucane et ayant vécu avec des Espagnols au temps de la conquête.

En somme, en fouillant tous les documens que nous ont laissés les écrivains religieux et les chroniqueurs de la conquête, les jésuites ou les indigènes, nous trouvons partout sur les mœurs des Indiens des récits contradictoires où le dédain domine, et en général ce parti-pris d’appeler barbarie une civilisation simplement différente de celle que les Espagnols pouvaient introduire, à cette époque trop rapprochée du moyen âge pour avoir connu une civilisation perfectionnée. Ce n’est que dans les œuvres modernes qu’apparaîtra un commencement de lumière sur les peuples dont le sang, mêlé à celui des Européens, a fourni le principal élément à la constitution des sociétés actuelles. Avec les naturalistes de l’époque contemporaine, les ténèbres qui enveloppent ces problèmes sont en partie dissipées; leurs études approfondies, leurs observations minutieuses et leurs classifications raisonnées ont servi de base aux travaux plus modernes des ethnographes et des philologues. Félix de Azarà, envoyé en mission par le gouvernement espagnol pour le représenter dans la détermination des limites des possessions portugaises au Paraguay, séjourna dans ces pays de 1783 à 1801, fut le premier à étudier la géographie et la nature sud-américaine en même temps que le génie des habitans; malheureusement son ouvrage descriptif de l’Amérique du Sud, rempli d’observations consciencieuses, resta inédit jusqu’en 1833, et ne fut connu alors que par une édition française due à Rivadavia, alors en exil; Azarà perdait ainsi l’honneur d’être le premier à révéler les secrets de la nature américaine, décrite déjà par la plume merveilleuse de Humboldt, en même temps qu’analysée dans les ouvrages de Darwin et surtout de D’Orbigny.


II.

Ni Humboldt, ni D’Orbigny n’accordent leur attention aux origines obscures des peuples américains. Tous deux sont d’accord sur ce point, que, si la variété du sol et du climat peut exercer sur l’homme une influence profonde, on peut à première vue, en examinant le continent sud-américain, déclarer, qu’eût-il été peuplé